Votre panier est actuellement vide !
Hier, c’était la journée internationale des droits de la femme. Du coup, aujourd’hui j’avais envie de vous parler de femmes et de fantasy.
Avant de commencer, je me permets d’insister sur une chose : hier n’était pas la journée de la femme, mais bien la journée des droits de la femme. La nuance est importante puisque la première rappelle les promotions (bien souvent sexistes) qui fleurissent un peu partout pour l’occasion (rabais sur les cosmétiques, séances de cinéma gratuites, consommations offertes en boîte…) alors que la seconde souligne le fait que, dans beaucoup de pays, la femme est encore considérée comme un objet, que les filles n’ont pas toutes le droits d’aller à l’école, que dans nos pays dits civilisés les femmes gagnent moins que les hommes pour le même travail, que des hommes essaient de déposséder les femmes de leurs propres corps, etc.
Aussi, aujourd’hui j’ai envie de parler avec vous de la femme dans la fantasy : Est-elle mieux considérée dans les livres que dans la vraie vie ? Quelle place laisse-t-on aux autrices dans nos bibliothèques ? Quid de la défense des droits de la femme dans les récits ?
Dans les romans de fantasy, la plupart des personnages féminins sont stéréotypés et rangés dans des cases bien définies. De plus, on croise rarement d’héroïnes ou de femmes en guise de personnage principal — Attention ! Héros et personnage principal ne sont pas des synonymes.
Voilà quelques exemples :
Typiquement, c’est la princesse que le chevalier doit aller sauver et avec laquelle il se marie à la fin de l’histoire. En gros, c’est la potiche, le pot de fleur.
Dans les récits un peu plus modernes, on a droit à une « évolution » de cette version de la femme : très souvent, le héros/chevalier se voit confier la mission de l’escorter d’un point A à un point B. A lui d’affronter tous les périls, à elle d’agiter des pompons pour l’encourager (bonus +1 à l’initiative pour les rôlistes de D&D), elle reste une potiche qui ne sait rien faire de ses 10 doigts, mais le héros en tombe éperdument amoureux.
Bien sûr, cette femme-trophée doit être belle et attirante, mais surtout pas intelligente, ou pas trop.
C’est clairement un personnage qui ne sert à rien, si ce n’est à créer des situations comiques de temps en temps. On retrouve souvent ce genre de personnage dans la Sword’n’Sorcery. Il s’agit, d’ailleurs, de l’une des raisons pour lesquelles ce genre est décrié.
C’est peut-être le stéréotype que je préfère (ou plutôt que je déteste le moins) parce que ce sont souvent des personnages plus recherchés et parfois plus torturés que les autres. Je les trouve d’ailleurs bien souvent plus intéressant que le héros.
Ces personnages ont souvent le rôle d’adjuvant principal, c’est la guerrière super douée qui sait plein de trucs et, surtout, qui a toujours l’astuce pour sortir le héros du pétrin dans lequel il s’est fourré. Si le héros était McGyver, ce personnage serait son couteau suisse.
C’est aussi, et même très souvent, le love interest du héros.
Je suis certaine que ça vous rappelle au moins un personnage, j’en mettrais ma main à couper. Pour ma part, ça me rappelle des personnages comme Sende dans Les Chroniques des Féals de Mathieu Gaborit, Arya dans Eragon de Christopher Paolini et même Hermione dans Harry Potter de J.K. Rowling.
Dans le langage courant, on appelle ce stéréotype la femme badass. Mais je préfère l’appeler la femme-homme pour la simple et bonne raison que c’est un stéréotype dont le principe est de tout faire comme un homme (même mieux qu’un homme), mais avec un utérus…
En général, ce sont des héroïnes qui se comportent comme des hommes : elles manient l’épée, portent des pantalons, sont cruelles, froides, intelligentes, etc. En revanche, quand elles deviennent trop froides ou trop cruelles, elles sont reléguées au rang d’adjuvant, de personnage secondaire.
Dans les « catégories » que je vous cite, c’est la seule qui est la plus susceptible d’évoluer : soit en devenant encore plus cruelle parce qu’elle a vécu un événement traumatisant dans l’histoire, soit elle se radoucit pour devenir une femme-qui-arrive-pile-quand-on-en-a-besoin et ceci grâce au pouvoir de l’amûûûûr, bien entendu. En général, on les dépeint également comme des dures au cœur tendre.
Personnellement, ça me rappelle Kalhan dans L’Épée de Vérité de Terry Goodkind, où l’Inquisitrice sans pitié qu’elle était au début du tome 1 se transforme en une espèce de grosse guimauve à la fin de ce même tome quand Richard lui avoue son amour (dans une déclaration que j’ai trouvée particulièrement mièvre, ceci dit…).
Ce stéréotype-ci présente la femme comme un être placé sur un piédestal, une déesse au pouvoir et au savoir infinis. C’est un personnage que l’on retrouvait souvent dans la littérature moyenâgeuse sous les traits des fées, telles les fées Morgane et Viviane. Ce sont souvent des personnages hauts-placés qui ne prennent pas part aux aventures car elles sont jugées indignes pour des personnes d’une telle importance.
Ce stéréotype nimbe les femmes d’une sorte d’aura de perfection qui les rendent trop pures que pour avoir le droit de jouer le rôle d’une héroïne ou même d’un personnage secondaire.
Dans la littérature moderne, je peux vous citer les exemples de Galadriel et d’Arwen dans Le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolikien. Ces femmes sont clairement placées au-dessus des héros. Arwen peut même s’apparenter au personnage de la Dame des romans courtois (en gros à celui de la femme-trophée) puisque Aragorn doit réussir sa quête pour gagner l’amour de sa Dame et le droit de l’épouser (schéma classique du roman de chevalerie). Ces deux femmes, bien que puissantes et respectées, ne prennent pas part à l’aventure (pas complètement, en tout cas) alors que Gandalf, qui finit par devenir l’égal de Galadriel, fait partie intégrante de la communauté de l’anneau, tout comme Saroumane, un autre égal (ou presque) de Galadriel, qui joue un autre rôle actif dans le récit.
Je tiens à rappeler que je n’ai parlé que des stéréotypes que l’on croise le plus souvent et qu’il ne s’agit en rien d’une liste exhaustive, bien évidemment
Bien sûr, il existe d’autres stéréotypes plus ou moins avilissants pour la femme, mais il existe également des personnages féminins réalistes qui n’entrent dans aucune des catégories pré-citées ou, a contrario, qui rentrent dans toutes les catégories en même temps.
Ensuite, de mon point de vue, je pense que toutes ces catégories ne sont pas à bannir car certaines peuvent être intéressantes à traiter dans une certaine mesure. J’ai, d’ailleurs, dans mon propre roman une brute au cœur tendre (que j’aime beaucoup), j’ai aussi une femme intouchable. L’important, c’est de ne pas tomber dans les extrêmes et de jouer de tout avec parcimonie.
Pour finir avec ce point, j’ai voulu vous partager 2 vidéos qui parlent des stéréotypes genrés, alors non pas dans la fantasy, mais dans la science-fiction et dans la littérature jeunesse. Le problème des stéréotypes se posent partout, dans tous les genres, la seule différence, c’est la fréquence : certains stéréotypes se retrouvent plus dans certains genres et pas du tout dans d’autres (je vous mets au défi de me trouver une femme-trophée dans un polar… 😉 )
Dans ce point-ci, j’ai envie de vous parler de mon expérience et de mon vécu. Je peux être totalement à la masse, mais c’est ce sont les constats que j’ai faits depuis que j’ai fait du monde du livre mon univers professionnel. Alors, attention, je parle du monde du livre, pas du monde éditorial.
De même, je n’ai pas voulu me baser sur des études et chiffres américains pour la simple et bonne raison que la situation n’est pas la même que chez nous.
C’est un constat que j’ai fait il y a quelques années maintenant : les grosses maisons d’édition de l’Imaginaire publie plus d’hommes que de femmes alors qu’il y a plus de femmes que d’hommes qui écrivent et publient. De plus, ce sont plutôt les hommes qui sont mis en avant lors d’événements promotionnels.
Je suis d’accord que la tendance commence à changer, mais quand je regarde ma bibliothèque, les hommes sont plus présents dans des grosses maisons que les femmes.
Quand j’ai commencé à réfléchir à un nom de plume, c’est une phrase que j’ai souvent entendue. Et je vous avoue que, pendant un moment, j’y ai sérieusement songé.
Toutefois, je ne l’ai pas fait pour la simple et bonne raison que ce n’est pas en choisissant de suivre les pressions et les conventions sociales qu’on va faire changer les choses. Je suis une femme et je l’assume (même si j’ai un certain côté garçon manqué 😉 ).
Mais il est vrai que beaucoup d’autrices choisissent sciemment de publier sous des noms masculins parce que c’est moins « connoté » et que le public masculin a moins d’a priori (voir pt suivant) ou alors, elles choisissent des noms neutres, comme de simples pseudo.
J’ai réellement entendu cette phrase, on me l’a dite quand j’ai proposé mon livre à la lecture. Pourtant, la personne (un homme) qui me l’a dite me connait suffisamment que pour savoir que les romances, c’est pas mon truc (j’aime en lire une par an, mais pas en écrire).
Ce merveilleux cliché n’est pas prêt de s’évanouir, malheureusement. Beaucoup d’hommes et de femmes sont persuadés que les femmes n’écrivent que des mièvreries. Beaucoup de personnes croient encore que les femmes ne savent pas traiter les grands thèmes de la fantasy comme le courage, les intrigues politiques, les quêtes épiques, les combats, les guerres, etc.
De la même manière, il y a cette fameuse réflexion (que j’ai déjà entendue) : Ce livre était super, pourtant il est écrit par une femme. Comme si les femmes n’écrivaient que des romans passables (et des romances…). En tant que femme, je trouve cela insultant qu’on puisse considérer que ne soyons pas capables d’au moins égaler les hommes dans l’écriture de romans fantasy.
Côté lecture, il y a la même segmentation sexiste : les filles ne devraient pas lire des romans de fantasy où il y a trop de conflits, trop de bagarres, trop d’aventures. Comme si nous, les femmes, étions trop influençables et/ou impressionnables que pour pouvoir supporter la lecture de romans d’epic fantasy, par exemple.
A ce titre, j’aimerais attirer votre attention sur le fait que la plupart de la littérature adolescente — Oh ! Pardon — young adult est destinée à un public féminin et déborde de guimauve et de mièvreries jusqu’à l’écœurement. Personnellement, je ne compte plus le nombre de romans où la romance/triangle amoureux est annoncé-e dans le résumé (et toujours entre l’héroïne et un mec mystérieux). C’en est arrivé au point où s’il y a une héroïne et un héros, ils DOIVENT finir ensemble, sinon ça ne va pas le faire. — Je ne vous raconte pas la pression que je reçois de la part de mes lecteurs pour que Neph et Shéa finissent ensemble ou, au contraire, surtout pas ! 😉
A travers cette littérature-là, j’ai l’impression qu’on force les adolescentes à lire des romans d’amour en leur interdisant des choses plus épiques ou héroïques. Ça fait partie des choses à changer pour moi : ne pas restreindre les lectures des jeunes (enfants et ado) à des catégories trop souvent sexistes.
Je pense qu’on a encore un gros travail à faire pour que les femmes puissent tenir une vraie place dans l’Imaginaire, une place égale à celle des hommes. Mais pour y arriver, il va falloir faire des efforts et montrer que les femmes sont capables de traiter les mêmes sujets que les hommes avec la même gravité (ou pas) et de lire les mêmes romans.
En revanche, ce qui semble être vrai, c’est que les femmes ont une sensibilité différente de celle des hommes. Selon un grand lecteur de fantasy de mon entourage, les femmes préfèreraient décrire les ambiances et les ressentis alors que les hommes préfèrent décrire les personnages et leurs pensées. Qu’en pensez-vous ?
Résumé :
« Elle marcha encore quelque temps avant de s’arrêter. Un triste paysage s’offrait à elle. Du haut de son promontoire, elle pouvait contempler les Terres Désolées. De l’autre côté se trouvait la Forêt Maudite, frontière du pays. Nul n’osait plus la franchir car aucun homme n’en était revenu. On disait que les âmes piégées restaient à jamais prisonnières de ces bois et attiraient à elles quiconque se risquait dans leur domaine. »
Deux femmes, une mère et sa fille, deux destins entremêlés. Elles devront faire face à l’hostilité des hommes et lutter dans un monde fait de beauté et de noirceur, un monde étrange aux lois mystérieuses…
Je vous le conseille parce que, dans ce roman, j’ai senti que l’autrice faisait tout pour ne pas créer de clivage entre ses personnages masculins et féminins. Elle a aussi accordé une grande importance à l’équilibre. Mais elle dénonce aussi les violences faites aux femmes et illustre très bien les différentes réactions que les hommes peuvent avoir face à ça.
Vers mon avis : Balade avec les astres de Jeanne Sélène.
Résumé :
À la veille de son mariage, une jeune reine décide de quitter son palais pour aller délivrer une princesse prisonnière d un sortilège de sommeil. Elle laisse sa robe de mariée, revêt sa cotte de maille, se pare de son épée et enfourche son cheval. Entourée des nains qui l accompagnent et la protègent, la reine traverse un tunnel sous la montagne et avance vers le royaume endormi. Bientôt, un château apparaît dans le lointain. Ses murs sont recouverts de ronces et de toiles d araignées et, dans le donjon, repose la princesse aux lèvres rouges comme les roses. Mais qui sait, peut-être que dans ce conte-là, la princesse n est pas celle qu on croit, et qu une reine donnera un baiser à une belle endormie…
Je vous le conseille parce que c’est un conte illustré qui dénonce le sexisme des contes de fées. Il est vraiment très agréable à lire tant son héroïne brise les codes des contes.
Résumé :
Après la mort de sa mère la Reine Elyssa, Kelsea Raleigh a grandi en exil, loin des intrigues du Donjon royal où son oncle diabolique a pris le pouvoir. Le jour de ses dix-neuf ans, une garde dévouée l’escorte de son repaire à la capitale, où elle devra reconquérir la place qui lui revient de droit et devenir Reine du Tearling.
Kelsea ne s’est jamais sentie aussi peu capable de gouverner. Pourtant, les atrocités qu’elle découvre vont la pousser à commettre un acte d’une incroyable audace, qui jette tout le pays dans la tourmente et déchaîne la vengeance de la Reine rouge.
La quête de Kelsea pour sauver son royaume et aller vers son destin ne fait que commencer. Long périple semé d’embûches, empli de bruit et de fureur, de trahisons et de combats farouches. Une épreuve du feu, qui forgera sa légende… ou la détruira.
Erika Johansen nous entraîne dans une épopée flamboyante où une jeune princesse insoumise devra lutter pour monter sur le trône.
Je vous le conseille parce que, non seulement l’héroïne est une vraie femme, dans le sens où c’est une personne avec des préoccupations de reine, certes, mais aussi avec des préoccupations d’êtres humains. Elle a des défauts et des qualités qui font qu’elle est loin d’un archétype badass qui n’a pas le moindre doute et qui ne commet jamais d’erreurs. Une vraie femme, ni pute ni soumise. De plus, les thèmes des violences faites aux femmes, de la misogynie et du sexisme sont très importants pour l’héroïne et, à mon avis, pour l’autrice également.
Résumé :
Pourquoi la jeune Lyra, élevée dans l’atmosphère confinée d’une prestigieuse université anglaise, est-elle l’objet de tant d’attentions ? De quelle mystérieuse mission est-elle investie ? Lorsque son meilleur ami, Roger, disparaît, victime des ravisseurs d’enfants qui opèrent dans tout le pays, elle n’hésite pas à se lancer sur ses traces…Un périleux voyage vers le Grand Nord, périlleux et exaltant, qui lui révèlera ses extraordinaires pouvoirs et la conduira à la frontière d’un autre monde.
Je vous le conseille parce que, dans ce roman, Lyra, l’héroïne, se fiche bien des convenances qu’une petite fille bien élevée devrait suivre. C’est une enfant libre qui fait ce qu’il lui plait sans s’occuper de savoir si ce sont des choses que les filles peuvent faire ou non. Sans être un garçon manqué, c’est juste une femme libre.
Résumé :
Au nord de l’Idalie, Shéa fuit la Tour des Ombres pour sauver sa vie.
Plus loin au sud, Neph fuit La Forteresse pour échapper à un destin guerrier dont il ne veut pas.
Leurs chemins les feront se rencontrer et les mèneront chez Berht, un vieil excentrique ami de la Prime Reine. Celle-ci chargera ce trio improbable d’escorter un curieux émissaire elfe jusqu’à Cérasa, une ville au sud du pays. Mais derrière cette mission officielle, s’en cache une autre, secrète, bien plus importante et plus dangereuse.
Deux cents ans après la Grande Guerre qui opposa les peuples unis de Tell’Andra aux Funestes, la paix qui régnait dans le monde s’étiole à nouveau. Une nouvelle ère sombre s’annonce.
Je vous le conseille parce que, sans que mon roman soit un roman 100% féministe, j’ai approché certaines problématiques sexistes et misogynes. J’essaie également de faire en sorte que mes personnages soient les moins stéréotypés possible.
Donc voilà… Je sais que cet article n’est qu’une goutte d’eau dans un océan d’opinions, mais il me tenait à cœur. Je voulais moi aussi exposer mon point de vue sur ce sujet qu’est le sexisme en fantasy et rappeler que la femme est un être humain comme les autres et que, de ce fait, elle devrait jouer de meilleurs rôles dans les romans. Et que les autrices devraient recevoir les mêmes considérations que les auteurs parce que leurs romans ne sont ni pires ni meilleurs que ceux que les auteurs écrivent.