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Aujourd’hui, après m’être étendue en long en large et en travers sur la définition de la magie, on aborde le sujet de la place de la magie en Fantasy en répondant, entre autres, à la fâcheuse question : La magie est-elle indispensable à la Fantasy ?
Vous comprendrez vite pourquoi je qualifie cette question de fâcheuse
Lorsque l’on se met à écrire et à créer un univers de Fantasy, il est normal de s’interroger sur la place de la magie au sein du genre. Est-elle indispensable à la Fantasy ? Quel rôle doit-elle y jouer ?
Laisser ces interrogations sans réponse peut parfois bloquer les auteurs et les autrices dans leur création. Il est donc primordial d’y répondre.
Commençons par nous pencher sur les différentes définitions de la Fantasy qui ont pues être données depuis l’émergence du genre, dans les années 30 avec les premières aventures de Conan, le héros de Robert E. Howard.
D’abord, dans l’un des premiers essais dédiés à l’étude de la Fantasy et publié en 1979, Marshall B. Tymm, Robert H. Boyer et Kenneth J. Zahorski définissent la Fantasy comme étant un genre littéraire composé d’œuvres dans lesquelles des phénomènes surnaturels, irrationnels jouent un rôle significatif. Dans ces œuvres, des événements arrivent, des lieux ou des créatures existent qui ne peuvent arriver ou exister selon nos standards rationnels ou nos connaissances scientifiques. Grâce à cette première définition on peut déjà voir apparaître que des éléments surnaturels et irrationnels ont une place prépondérante dans le genre.
Ensuite, dans son Panorama illustré de la Fantasy et du Merveilleux, André-François Ruaud estime que relève de la Fantasy une littérature dotée d’une dimension mythique et qui incorpore dans son récit un élément de surnaturel (d’irrationnel) au traitement non purement horrifique, notamment incarné par l’irruption ou l’utilisation de la magie. À nouveau, nous retrouvons les éléments surnaturels et irrationnels comme étant inévitables. André-François Ruaud évoque même l’irruption ou l’utilisation de la magie.
Enfin, dans le MOOC à propos de la Fantasy, Anne Besson définit le genre comme étant une littérature du merveilleux contemporain, où la magie est présente, même si elle peut être discrète. Ici, il n’est pas question de surnaturel, d’irrationnel, de mythes ou de légendes, mais bien de magie au sens le plus large du terme. Comme Anne Besson l’explique dans ce même MOOC, la magie échappe à nos lois physiques ce qui fait d’elle un élément surnaturel et irrationnel. Ce qui rejoint parfaitement les précédentes définitions.
Nous pourrions également citer les définitions de Wikipédia : La fantasy, ou fantasie, est un genre littéraire présentant un ou plusieurs éléments surnaturels qui relèvent souvent du mythe et qui sont souvent incarnés par l’irruption ou l’utilisation de la magie. Ou encore celle donnée sur Monde Fantasy : La fantasy est un genre défini par la création d’un monde alternatif inclus, parallèle ou totalement dissocié du nôtre répondant à ses propres lois semblables ou non aux nôtres dans lequel se mêlent les mythes, les légendes, les croyances et la magie qui sont acceptés sans conditions par le lecteur.
Donc, en nous penchant sur ces différentes définitions de la Fantasy, on constate rapidement que, non seulement, la magie est une caractéristique du genre, ce qui la rend indispensable à la Fantasy. En d’autres termes, enlever la magie de la Fantasy revient à retirer l’amour de la Romance.
L’indissociabilité de la magie et de la Fantasy tient beaucoup au fait que le genre est un descendant direct des mythes, des légendes et du merveilleux, genres où la magie, le surnaturel, l’irrationnel et le divin tiennent une place essentielle dans les histoires. Il n’est pas nécessaire de rappeler l’importance des objets divins, tels que la Kunée, l’Anneau des Nibelungen, Excalibur, les baguettes magiques des fées, etc., pour les différents personnages des récits mythologiques ou merveilleux. N’oublions pas non plus les créatures magiques telles que les elfes, les lutins, les fées, les nymphes, les dryades, etc. qui peuplent également ces récits.
Ainsi, comme le précise Anne Besson dans dans sa définition, la magie doit être présente dans les récits de fantasy, et ce, même si elle est discrète. Ce qui signifie que la magie ne doit pas obligatoirement se manifester par des boules de feu et des dragons rasant tout sur leur passage, mais qu’elle peut se contenter d’une manifestation modeste telle que la simple présence de créatures surnaturelles comme des fées, des vampires, des elfes, etc. En revanche, l’existence de ces êtres doit être avérée et doit jouer un rôle dans le récit (cf. point suivant Quel rôle joue la magie dans la Fantasy ?). La présence de ces créatures ne doit également pas être expliquée scientifiquement, auquel cas, on tomberait dans la Science-Fiction.
En outre, la présence avérée de la magie permet de différencier la Fantasy des autres genres de l’Imaginaire (ou SFFF) que sont la Science-Fiction et le Fantastique.
Pour différencier la Fantasy de la Science-Fiction, Orson Scott Card explique, dans son essai How to Write Science Fiction & Fantasy, que si la magie fonctionne dans votre histoire, si les superstitions sont vraies, s’il y a des créatures impossibles comme des dragons cracheurs de feu ou des chevaux ailés, si des génies sortent des bouteilles ou que les malédictions marmonnées causent des malheurs, alors vous écrivez de la Fantasy.
Jacques Baudou affirme également qu’on a souvent comparé la science-fiction et la fantasy en remarquant que le rôle joué par la magie dans la Fantasy est équivalent à celui joué par la science dans la Science-Fiction.
Et Philip Athans ne manque pas de différencier la Science-Fiction de la Fantasy dès la première page de son ouvrage Guide to Writing Fantasy and Science Fiction en déclarant que la Fantasy est un genre fictionnel qui dépend d’éléments magiques ou surnaturels qui n’ont pas nécessairement pour but de vous effrayer – si ça vous effraie, et que c’est le but, alors c’est de l’horreur. Si les éléments magiques sont remplacés par des technologies inventées, c’est de la Science-Fiction.
Bien entendu, il existe d’autres différences entre ces deux genres frères, mais la magie est un point crucial dans leur différenciation.
En revanche, nous ne nous pencherons pas davantage sur la Science-Fantasy, genre complexe se situant à l’intersection de la Science-Fiction et de la Fantasy, et dans lequel la science et la technologie côtoient la magie et les mystères.
Quant à la différence entre Fantastique et Fantasy, rappelons que le premier est caractérisé par l’intrusion brutale du mystère dans le cadre de la vie réelle, une rupture brutale de l’ordre établi et par une hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel.
Au vu des ces définitions, il est clair que la Fantasy ne peut s’inscrire dans le registre du Fantastique puisque, d’une part, le « cadre de la vie réelle » ne fait pas l’unanimité des contextes des récits fantasy et, d’autre part, les notions d’« ordre établi » et de « lois naturelles » ne peuvent prévaloir. En effet, la Fantasy s’avère être un genre où le lecteur accepte pleinement, sans hésitation, l’existence des éléments surnaturels, où le surnaturel est naturalisé et donc où il fait partie intégrante des lois naturelles du monde fictionnel dans lequel il se produit.
La présence avérée de la magie permet également de distinguer la Fantasy de tous les autres genres avec lesquels elle peut être mélangée comme le roman historique, le roman policier, la romance, etc. Ces combinaisons donnent des récits devenant des sous-genres de la Fantasy comme la Fantasy historique, où une intrigue mêlée de magie prend place lors d’un événement historique réel, la Fantasy policière, où on mène une enquête dans un univers loin de nos lois naturelles, la romantic Fantasy, où l’amour prend une place prépondérante au sein d’une intrigue souvent épique ou héroïque.
En conclusion, nous pouvons affirmer que, oui, la magie est bien indispensable à la Fantasy. Elle est même, comme nous l’avons vu, une caractéristique du genre et permet de distinguer la Fantasy de la Science-Fiction, du Fantastique et des autres genres avec lesquels est peut être combinée.
D’ailleurs, la magie est même tellement indissociable de la Fantasy que Philip Athans a intitulé son chapitre traitant de la magie « It’s not Fantasy without Magic » (Ce n’est pas de la Fantasy sans magie) et qu’Emmanuel Bertrand-Egrefeuil parle de la Fantasy comme d’un genre créé sur mesure pour la magie.
Maintenant que nous avons vu que la magie était un passage obligé lors de la création d’un univers de Fantasy, il reste à déterminer le rôle qu’elle a à y jouer.
La magie dans un univers de Fantasy peut être considérée sous deux aspects différents qui peuvent être présents ensemble ou pas. Le premier est de la considérer comme un cadre merveilleux et le second est d’envisager la magie comme une puissance effective dans le monde fictionnel.
Au point précédent, La magie est-elle indispensable à la Fantasy ?, nous avons vu que la magie ne comptait pas que des boules de feu et des thaumaturges commandant aux éclairs, mais aussi des créatures dites surnaturelles telles les elfes, les fées, les dragons, les sirènes, les vampires, etc. On peut également inclure dans ce cadre merveilleux des lieux légendaires comme Avalon, le mont Olympe (dans son aspect mythologique) ou encore le jardin d’Éden, et des objets mythiques comme Excalibur, l’Anneau des Nibelungen, la Kunée, etc.
La magie comme cadre merveilleux permet donc de placer l’intrigue dans des lieux relevant du mythe avec des créatures légendaires sans nécessairement y trouver des thaumaturges lanceurs de boules de feu.
Bien sûr, ces créatures, lieux et objets peuvent parfaitement être soit détournés de leurs légendes initiales pour servir nos propres fictions, soit créés de toutes pièces.
Lorsque l’on parle de la magie comme étant une puissance effective, on fait référence aux fameux systèmes de magie qui constituent une grande partie de la renommée de la Fantasy et que cette série d’articles est censée vous aider à créer pour votre propre univers. Il s’agit donc, ici, de considérer les boules de feu ainsi que les thaumaturges commandant aux éclairs.
Il s’agit de la magie décrite dans le point Qu’est-ce que la magie ?, à savoir que cette puissance effective peut être un art, une science, une force, une énergie, une spiritualité ou tout à la fois.
Le rôle de la magie, qu’elle soit cadre merveilleux ou puissance effective ou les deux, n’est pas seulement d’offrir une esthétique au récit de Fantasy. Elle doit y jouer un rôle principal, constituer un enjeu. Mais, surtout, on ne doit pas douter de son existence sans quoi on tomberait dans le genre du Fantastique.
Si l’on reprend l’organigramme du schéma actantiel, la magie, ou partie (personnages, créature, objet…), doit se placer dans au moins l’un des rôles.
Si la magie est Destinatrice, c’est elle qui confie la Quête au Sujet. Il peut s’agir d’une perturbation magique à neutraliser, d’un dieu confiant une quête…
Si la magie est Adjuvante, elle aide le Sujet dans sa tâche. Il peut s’agir de la classique figure du mentor-thaumaturge, comme d’un objet magique ou encore d’une créature magique alliée.
Si la magie est Opposante, elle sème pléthore d’embûches sur le chemin du Sujet. Il peut s’agir d’un cruel mage, d’une perturbation magique, d’une autre créature magique.
Si la magie est la Quête, elle est la mission que le Sujet doit accomplir afin d’obtenir l’Objet. Il peut s’agir d’un apprentissage magique, de la quête de la destruction, de l’obtention d’un objet magique…
Si la magie est l’Objet, elle est ce pour quoi le Sujet part à l’aventure. Il peut s’agir d’un objet magique ou d’un être magique (thaumaturge, divinité, créature…) à quérir ou à détruire…
Si la magie est Destinataire, elle profite de la réussite de la Quête du Sujet. Il peut s’agir d’un thaumaturge, de la magie elle-même, d’une créature…
Si la magie est le Sujet, c’est elle qui doit accomplir la Quête. Il peut s’agir d’une divinité, d’un thaumaturge, d’une créature…
Bien entendu, la magie peut très bien jouer tous les rôles, chacun interprété par une facette de la magie.
Voilà ! C’est tout pour aujourd’hui ! J’espère que vous n’êtes pas tombé-e dans les pommes parce que c’était encore du lourd !
J’espère avoir répondu correctement aux deux questions et que cela vous a plus éclairé-e qu’embrouillé-e
Rendez-vous dans 2 semaines (soit le 22 juin 2018) pour les règles d’or de la création d’un système de magie.