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Il y a plusieurs semaines, l’autrice Cécile Duquenne partageait dans sa newsletter journalière un test de personnalité pour écrivain-e. Il permettait de déterminer si l’on était architecte, jardinier, archinier ou jarditecte.
S’en sont suivi nombre de remerciements sur les réseaux sociaux pour avoir mis le doigt sur le fait que la plupart des écrivain-e-s n’étaient pas tout l’un ou tout l’autre, mais un mélange des deux.
Et, ça m’a horrifiée.
Le test de Cécile Duquenne est top, là n’est pas la question (d’ailleurs, j’adore ses réflexions autour de l’écriture et du métier, n’hésitez pas à la suivre vous aussi). Ce qui m’a horrifiée, ce sont 2 choses :
Cette histoire de jardinier et d’architecte vient d’un côté d’une théorie en narratologie (la discipline qui étudie les techniques et les structures narratives mises en œuvre dans les textes littéraires ou toute autre forme de récit) et d’une citation de G.R.R. Martin.
En narratologie, on estime qu’il y a deux manières principales d’écrire des récits :
Théorie reprise par G.R.R. Martin dans une interview donnée au journal The Sidney Morning Herald :
J’ai toujours dit qu’il y avait deux types d’écrivains. Il y a les architectes et les jardiniers. Les architectes créent des plans avant même d’enfoncer le premier clou, ils conçoivent toute la maison : l’emplacement des tuyaux et le nombre de chambres, la hauteur du toit. Ils ont tout prévu, contrairement, aux jardiniers, lesquels estiment qu’il suffit de creuser un trou et semer la graine pour voir ce qui arrive. Je pense que tous les écrivains sont à la fois des architectes et à la fois des jardiniers, mais ils ont tendance à tendre vers un côté ou vers l’autre, et je suis certainement plus jardinier.
Vous l’aurez compris : les architectes sont les structuraux et les jardiniers, les scripturaux.
Le problème, ou plutôt les problèmes (puisque j’en ai soulevé 2) sont que personne, je dis bien PERSONNE n’a jamais dit qu’on était 100% l’un ou 100% l’autre. Or, je croise trop de personnes qui se revendiquent de l’un ou de l’autre, mais qui, finalement, ne bouclent jamais un seul récit et ne se remettent jamais en question de savoir s’ils se sont mis dans “la bonne case”. Je mets des guillemets parce que, je le répète : personne n’est 100% l’un ou 100% l’autre.
Même G.R.R. Martin le dit :
Je pense que tous les écrivains sont à la fois des architectes et à la fois des jardiniers, mais ils ont tendance à tendre vers un côté ou vers l’autre.
Le premier problème vient du fait que trop de jeunes écrivains et écrivaines se rangent dans une case selon des préjugés (“un vrai écrivain prépare tout à l’avance”, “une vraie écrivaine va au feeling”, “si on prévoit tout à l’avance, on n’est pas un-e vrai-e artiste”, etc.) au lieu de se focaliser sur eux-mêmes, sur leurs envies et leurs besoins.
Ce n’est pas la quantité de préparation, de relectures ou de corrections ni votre méthode qui font de vous des écrivains ou des écrivaines, c’est le fait d’écrire tout court. La méthode, on s’en fout.
On se range dans une case APRÈS s’être mis à l’écriture et pas avant. Notre profil d’écrivain et d’écrivaine se définit par la pratique et l’expérience. Pas sur des préjugés et des mythes par rapport au métier.
C’est là où je croise encore trop de personnes qui se revendiquent de l’un ou de l’autre, mais qui, finalement, se sentent bien mal dans leur case dont ils et elles ont elles-mêmes défini les limites. L’écriture demande en permanence de se remettre en question, de se demander de quoi on a besoin, avec quoi on a envie de travailler.
Si vous ne parvenez jamais à la fin de vos projets, avant d’accuser le texte, le temps ou votre entourage, demandez-vous si vous travaillez de la bonne manière (la bonne manière pour vous).
C’est bien beau de crier haut et fort que vous êtes jardinière, que vous n’avez pas à créer de plans parce que vous êtes jardinière, mais pleurer ensuite parce que vous ne finissez rien. Et si vos échecs répétés venaient justement d’un manque de préparation et de structure ? Parfois il ne faut pas grand-chose, juste un petit quelque chose à ajouter votre méthode pour que ça passe.
Dans l’autre sens, se revendiquer architecte et se sentir coincé-e, à l’étroit, enfermé-e dans ses plans et ses fiches, les vivre comme un dur labeur signifie probablement que vous avez besoin de vous laisser plus de liberté.
Vous enfermer dans un archétype parce que vous voulez coller un stéréotype que vous vous êtes inventé ne fera que vous empêcher d’écrire.
Maintenant, le second problème : mon impression que trop de personnes n’ont rien compris à ce système.
On le répète encore une fois : personne n’est 100% l’un ou 100% l’autre. Et, pire !, notre profil change même en fonction des projets et avec le temps !
Pourtant, trop de personnes brandissent leur archétype comme un étendard prouvant leur appartenance à un camps. Trop souvent, je vois des “affrontements” architectes vs. jardiniers. Nous ne sommes pas en compétition les uns contre les autres. Aucune méthode n’est meilleure qu’une autre. La seule qui compte est celle qui vous convient. Il y a autant de méthodes d’écriture que d’écrivains.
Aussi, lorsque l’on dit que l’on est architecte ou jardinier, cela signifie que l’on est “majoritairement” l’un et l’autre en minorité. A vous de déterminer la répartition des deux profils pour vous et ce que cela implique dans votre manière d’écrire. Et de corriger aussi ! Je connais une jardinière qui se lance dans ses projets en total freestyle (enfin presque : elle fait quelques fiches pense-bête et des cartes pour être sûre de s’y retrouver), mais qui s’attelle à la réécriture avec plus de méticulosité que certains architectes que je connais (y compris moi).
En outre, comme je l’ai dit, on n’a pas le même profil en fonction des projets. Certains projets ont juste besoin de sortir des tripes et d’autres demandent une préparation précise.
Pour vous illustrer mes propos, je vais vous parler de mon cas :
J’aime bien dire que je suis 70% architecte et 30% jardinière. Mais ça, ce n’est que pour mon projet Neph et Shéa.
Quand je me lance dans des nouvelles, je suis jardinière à 90% : je prends quelques minutes pour faire un semblant de plan, je prends deux-trois notes pour les perso et je me lance. Et encore !, ça, c’est pour les nouvelles “complexes” comme Le Tournoi. La plupart du temps, je prends 5 minutes en regardant le plafond pour penser au(x) personnage(s), au ton, au cadre spatio-temporel et à l’action. En somme, ce que je vous apprends à faire en une semaine avec Écrire une nouvelle en 7 jours, je le fais en deux ou trois heures 😉
En revanche, je bosse en parallèle sur la préparation d’une uchronie (une révision de l’histoire) et, là, j’ai besoin d’être architecte à 90% tant ce roman me demande de recherches et de préparation pour respecter l’Histoire.
Et je suis sûre que, pour vous, c’est la même chose ! Vous n’avez pas besoin de la même méthode pour tous vos projets.
De même, on change beaucoup avec le temps aussi. Plus on passe du temps à écrire et mieux on se connait. Certaines étapes de la préparation ne sont plus nécessaires et on peut se permettre de se faire confiance.
Le pourcentage de mon côté architecte diminue avec les années parce que je me connais et je me fais confiance. Je sais comment je pense, comment je travaille et je peux anticiper les problèmes.
Donc voilà…
Tout ça pour vous dire que les architectes et les jardiniers n’existent pas, qu’il n’y a que des écrivains, des écrivaines et des projets qui nécessitent des méthodes et des quantités de préparation uniques.
Avant de proclamer haut et fort que vous êtes jardinier/jardinière ou architecte, soyez vous-même. Vous verrez, les choses se passeront mille fois mieux 😉
Allez ! C’est tout pour aujourd’hui ! 😉
N’hésitez pas à me donner votre avis et votre ressenti sur la question.
Prenez soin de vous !