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Lorsque j’ai partagé mon petit quiz à propos du plagiat (si vous souhaitez le [re]faire, c’est par là : https://forms.gle/YV1VW4Mn41b8egGB6), j’ai reçu beaucoup de réactions par rapport à la question concernant les fanfictions.
Aujourd’hui, je vais donc vous expliquer pourquoi les fanfictions relèvent du plagiat, ce qu’on a le droit de faire, ce qui est toléré et ce qui est interdit.
Pour celles et ceux qui ne savent pas ce qu’est la fanfiction : Il s’agit de récits, pour la plupart écrits, qui permettent aux fans d’un univers de le prolonger en racontant d’autres histoires ou des histoires alternatives au récit initial.
Dans certains cas, il s’agit aussi de romancer la vie de certaines célébrités.
Cet article n’est pas là pour discréditer ni encenser la fanfiction.
Par cet article, je veux juste vous rappeler ce qu’il est permis de faire et ce qui ne l’est pas, en général, de sorte que vous connaissiez les limites à ne pas franchir et les risques inhérents à la fanfiction.
La fanfiction est considérée comme du plagiat tout simplement parce que l’on réutilise le travail de quelqu’un d’autre pour son propre compte.
Si, comme nous l’avons vu la semaine dernière, s’inspirer d’éléments d’autres romans n’est pas du plagiat, la réutilisation d’un univers complet et/ou de personnages créés par d’autres relève de la contrefaçon, et c’est un délit pénal. Une fanfiction mal utilisée peut vous mener en prison.
Outre la question de la contrefaçon, c’est-à-dire du plagiat, la fanfiction peut également porter atteinte aux droits patrimoniaux et moraux des auteurs et autrices originelles, voire à l’œuvre réinterprétée.
Les droits patrimoniaux correspondent aux droits d’exploitation à titre onéreux d’une œuvre. En somme, c’est la partie qui vous octroie le droit de gagner de l’argent avec votre histoire. Ce droit est cessible et c’est celui que vous cédez à un éditeur contre rémunération.
Lorsque la fanfiction est vendue (ou même partagée à titre gratuit), les détenteurs des droits patrimoniaux peuvent estimer que la publication (payante comme gratuite) de la fanfiction court-circuite les revenus issus de l’exploitation de l’œuvre originale.
Un autre point auquel on ne pense que rarement est l’atteinte au droit moral de l’auteur ou de l’autrice.
Le droit moral est le lien inaliénable entre un artiste et son œuvre. Ce droit permet à l’auteur ou l’autrice de s’opposer à toute pratique qui pourrait porter atteinte à l’intégrité morale, à l’honneur ou à la réputation d’une œuvre ou de l’auteur ou de l’autrice.
Par exemple : si vous écrivez une fanfiction érotique de Harry Potter, J.K. Rowling peut très bien estimer que vous porter atteinte à son droit moral en dépravant ses héros.
Je pense que, avant de rentrer dans le vif du sujet, c’est bien de préciser que, d’un point de vue légalité, les fanfictions entrent dans une catégorie de pratiques artistiques qui n’est pas toujours clairement définies par la loi.
Aussi, si certains usages de la fanfiction sont clairement illégaux, d’autres sont soumis à la jurisprudence de la justice ou à l’appréciation de l’auteur ou de l’autrice et de sa maison d’édition.
Parmi les cas immuables de légalité et d’illégalité de la fanfiction, deux situations ne changeront jamais :
L’usage de la fanfiction qui est toléré, le plus souvent, c’est la publication sur des forums de fans.
Lorsqu’une fanfiction est partagée sur un forum peuplé uniquement de fans d’un univers ou sur un forum dédié à la fanfiction, cette dernière est souvent considérée comme étant partagée dans un cadre privé. Comme il faut s’inscrire pour avoir accès aux textes, le forum n’est pas considéré comme public.
Seulement, la tolérance est propre à chaque auteur/autrice et éditeur. Certains entrent en croisade contre ces forums (comme ça a été le cas de J.K. Rowling à un moment) et les forcent à fermer. D’autres les laissent vivre parce qu’ils ont conscience que ça permet de continuer à faire vivre leur œuvre et à créer de l’engouement (et donc, des revenus…).
Une autre pratique tolérée, mais dans une moindre mesure, est la publication gratuite, par exemple sur Wattpad.
Là, il ne s’agit plus de partager son histoire ou la révision d’une histoire à un public initié (et privé), mais de l’offrir à la lecture à tout le monde. Cette pratique-là est beaucoup moins tolérée.
Cependant, certains et certaines ne manquent pas de préciser que les fanfictions dans leurs univers sont autorisées à titre gratuit. C’est le cas notamment de la fabuleuse maison d’édition Noir d’Absinthe qui précise toujours si l’un des romans est ouvert à la fanfiction gratuite. C’est le cas, par exemple, pour le roman La Pierre d’Isis de Morgane Stankiewiez.
Gardez à l’esprit que certains auteurs et autrices s’opposent formellement à la fanfiction, comme c’est le cas pour G.R.R. Martin. Si leurs avocats vous tombent dessus, gare à vous.
Parmi les cas de partages gratuits tolérés, on peut également compter les backgrounds de personnages de jeux de rôle et de MMORPG.
Lors du quiz sur Instagram, on m’a répondu que l’on pouvait invoquer le pastiche ou le fair use pour avoir le droit de partager et protéger ses fanfictions.
Le pastiche est une imitation du style d’un auteur pour lui rendre hommage, le parodier ou encore pour le simple exercice de style. Il s’agit « d’écrire comme » afin de mettre en avant l’identité de l’auteur ou l’autrice originelle, quitte à effacer l’auteur ou l’autrice du pastiche. Ce qui n’est pas la vocation de la fanfiction puisqu’il s’agit, justement, d’une appropriation du travail d’autrui, sans rechercher à conserver l’originalité de l’artiste initial.
La fanfiction ne peut donc pas entrer dans le cadre du pastiche, sauf si on joue la carte de la parodie.
Concernant le fair use, il est propre à la loi américaine. Il consiste à dire qu’il existe une série d’exceptions au droit d’auteur. On pourrait le rapprocher du droit de citation que nous avons en Europe. Cependant, si chez nous le droit de citation est clairement défini et n’englobe pas les fanfictions, chez les états-uniens, il est soumis à la jurisprudence des créateurs, producteurs ou juges (en cas de litige). Il n’est pas défini clairement dans leur loi.
Parce que oui, ça arrive qu’on puisse vendre ses fanfictions en toute légalité !
Je ne connais que trois cas possibles : les licences, les appels à textes et les « fanfictions indétectables ».
Certaines plateformes de publication ont acheté le droit de diffuser des œuvres de fan. On entre dans le cas des « produits » dérivés.
Seulement, ces licences sont strictes et les œuvres publiées doivent suivre scrupuleusement les directives données par les détenteurs des droits pour être autorisées.
Il faut également savoir que les œuvres sous licences rapportent peu de redevances aux auteurs des fanfictions puisqu’il faut payer la licence d’exploitation en plus du reste. Et, bien entendu, c’est la part de l’auteur ou de l’autrice qui est tronquée. — Mais ceci est un autre débat…
Dans certains cas, les auteurs et autrices d’univers étendus font appel aux fans pour étendre davantage cet univers. Encore une fois, pour que les fanfictions puissent être publiées, elles doivent suivre un cahier des charges strictes.
Parmi les univers qui ont fait appel aux fans pour s’étendre, il y a Star Wars, World of Warcraft, Warhammer et Warhammer 40.000 (même si la plupart des ouvrages des trois derniers sont des commandes, certains viennent de fans) notamment.
Ce n’est pas un nom officiel, mais je n’ai pas trouvé mieux pour en parler.
Certaines fanfictions révisent tellement de fond en comble un univers qu’il devient impossible de se rendre compte qu’à l’origine il s’agissait d’une fanfiction.
C’est le cas notamment pour la série Cinquante nuances de Grey de E.L. James qui était une fanfiction érotique de Twilight de Stephenie Meyer. La maison d’édition qui a repéré le texte (publié sur Wattpad à l’origine, il me semble) a simplement demandé à E.L. James de changer quelques détails et les noms des personnages pour la publier sans risquer de se faire attaquer par Stephenie Meyer.
Un autre exemple est mon propre roman : à l’origine, il s’agissait du background de l’un des personnages que j’ai joué dans Donjons & Dragons. J’ai tellement fait évoluer l’univers et mes personnages que Donjons & Dragons est devenu une inspiration plutôt qu’un cadre. Je suis donc parfaitement en droit de publier à titre onéreux ma saga.
Toujours lors du quiz sur Instagram, on m’a posé la question de la légalité des fanfictions portant sur des personnes réelles (comme des groupes de musique, des chanteurs ou encore des acteurs/actrices).
Là, on rentre dans un tout autre registre que je ne connais pas puisqu’il s’agit d’une atteinte à la personne et non plus d’une atteinte à l’œuvre.
Mais, je me permets de supposer qu’il y a toujours un risque de se faire attaquer pour diffamation ou atteinte à la vie privée, par exemple.
Je voudrais vous rappeler que je ne suis pas avocate ni juriste ni quoi que ce soit d’autre dans le domaine de la loi. Si vous souhaitez davantage de conseils sur votre cas en particulier, pensez à consulter un-e avocat-e en droit d’auteur, parce que ce n’est pas mon travail.
Le peu que je connais du sujet relève de la culture générale et non du savoir empirique
Voici aussi quelques liens qui approfondissent le sujet de manière plus poussée :
Voilà ! J’espère que cet article vous aura apporté quelques lumières sur l’exercice intéressant, mais risqué de la fanfiction !