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Republication d’un article de mon ancien autre blog, Prom’Auteur.
Récemment, j’ai partagé cette citation d’Isaac Asimov :
Je n’ai pas peur des ordinateurs.
J’ai peur qu’ils viennent à nous manquer
Sans nécessairement parler de se priver totalement de technologie pour écrire nos romans, je voudrais parler avec vous de comment on apprenait à écrire avant internet.
Parce que oui, écrire, ça s’apprend, mais on parlera du débat « talent vs travail » une autre fois 😉
Vous êtes nombreux et nombreuses à parcourir la toile pour glaner des conseils afin d’apprendre à construire une intrigue, créer des personnages, améliorer votre style, etc. Mais vous êtes-vous déjà demandé comment apprenait-on à écrire avant internet ?
Car, oui, avant internet on ne naissait pas avec la science infuse, il fallait donc trouver d’autres manières de s’instruire, d’autres sources d’information.
Alors, si je ne peux pas témoigner de l’apprentissage de Zola, Dumas, Sand, Camus et les autres, je peux toutefois vous parler de ma propre expérience. Cela en surprendra peut-être certains et certaines, mais j’ai appris à écrire alors qu’Internet n’était qu’une anecdote, que Google n’en était qu’à ses balbutiements, que Youtube n’existait pas encore et que les blogs n’étaient que des journaux intimes pas si intimes.
Quand j’ai commencé à apprendre à écrire (parce que j’apprends encore tous les jours), les seuls moyens de trouver des conseils donnés par des experts étaient de correspondre avec des écrivains ou de participer à des ateliers d’écriture. Parfois, quelques conseils étaient donnés dans des revues ou des interviews à la télévision ou à la radio, mais rien de transcendant…
L’écriture me semblait être une affaire ésotérique seulement réservée à des élus.
Du coup, comment ai-je fait ? Et comment d’autres ont fait ?
Quand j’ai décidé, à 8 ans, que je deviendrais écrivaine, je n’avais pas beaucoup de personnes de référence pour m’apprendre à écrire. Personne dans mon entourage proche n’écrivait de roman (il n’y a que ma grand-mère qui écrit des scripts pour ses spectacles de marionnettes), pourtant ce sont mes parents qui m’ont donné le meilleur conseil de tous :
« Avant de commencer à écrire des histoires, commence par en lire pour apprendre comment les autres font. »
Ce conseil est tellement plein de bon sens que je pourrais arrêter le mail ici.
En effet, il n’y a qu’un seul cursus de création littéraire qui existe en France et, même si beaucoup d’auteurs donnent des masterclass, on ne peut apprendre l’écriture que dans les livres. Les romans sont tout de même la mise en pratique de ce que nous cherchons à appliquer nous-même.
Comme je l’ai déjà dit dans un article publié sur l’un de mes autres blogs :
J’ai énormément de mal à concevoir qu’on ne lise pas (quand je dis « pas », je veux dire « pas du tout », de l’ordre de moins de 5-10 livres par an) et qu’on veuille écrire des romans. Pour moi, quel que soit le domaine artistique dans lequel on évolue, on a besoin de se nourrir de la production de ses semblables pour pouvoir créer à notre tour.
Lire quand on écrit : un indispensable ?, publié sur Monde Fantasy le 12 janvier 2018.
La lecture est donc pour moi la première étape, et peut-être même la plus importante, pour apprendre à écrire des romans.
Elle nous fait découvrir les divers panels de genres, de personnages, d’intrigues, d’univers et de styles qui existent et nous aide, dans un premier temps, à savoir ce que l’on aime et ce que l’on veut écrire. Dans un second temps, elle nous permet d’apprendre des maîtres.
Quand on est écrivain-e, il faut lire un livre deux fois : la première pour découvrir, la seconde pour étudier.
Nota Bene
Une abonnée de la newsletter s’est étonnée de mes propos quant à la quantité de lectures annuelles : « tu considères vraiment que lire entre 5 et 10 livres par an c’est ne pas lire du tout ? Entre la vie professionnelle, l’écriture, la vie privée et tout ce qui arrive entre d’imprévu, il y a des gens qui n’ont tout simplement pas le temps de lire plus… «
Effectivement, je considère que, dans le cadre de l’apprentissage et de l’écriture, lire moins de 5-10 livres par an, ce n’est pas lire comme un-e écrivain-e, c’est de la lecture pour le plaisir, mais pas « professionnellement ». Comme l’a très bien rappelé une autre abonnée : « Le lecteur et l’écrivain sont les deux facettes d’une même pièce. » Aussi, si l’on n’a pas le temps de lire, on n’a pas non plus le temps d’écrire. Du moins, pas dans une démarche pro ou assimilée.
Tout est une question de priorité. Et c’est OK ! 😉
Pour en savoir plus, je vous renvoie au chapitre « Le Temps » de Surmontez les obstacles et écrivez enfin votre roman ! 🙂
Parce que lire, c’est bien, mais étudier les bases de la stylistique, de la narratologie et même de la rhétorique, c’est bien aussi !
Apprendre la théorie est souvent barbant, mais cela nous permet d’enrichir énormément notre style, nos personnages, nos univers et nos intrigues.
C’est pour cela que j’étais très assidue en cours de français et que l’analyse de textes (et toute l’étude des disciplines citées plus haut) était ma discipline préférée. J’ai très vite compris qu’apprendre la théorie grâce à mes cours de français était la seule manière (à ma portée à cette époque) pour parfaire mon style et la construction de mes récits. J’ai conservé beaucoup de mes notes de cours (notamment celles sur les figures de style).
D’ailleurs, je ris beaucoup quand je vois tous les vingtenaires qui se replongent dans les études des figures de style alors qu’ils s’en plaignaient quand ils étaient en secondaire. Si vous voulez devenir écrivain-e, commencez par être attentif/attentive en cours de français, vous gagnerez au moins 5 ans de travail ! 😉
Lire pour apprendre ne sert à rien si on ne sait pas ce que l’on cherche à apprendre.
Une fois que l’on a appris à lire “comme un-e écrivain-e” et que l’on connaît les bases de la théorie, il faut réussir à reconnaître les éléments théoriques dans les textes.
C’est à ça que sert la fameuse seconde lecture évoquée dans la conclusion du premier point. Il ne s’agit rien de moins que de l’analyse de texte.
Quand on lit un livre, il est important de faire attention au style de l’auteur ou de l’autrice, à son choix des mots, à ses tournures. De relever les passages marquants et de nous demander pourquoi nous les avons trouvés intéressants.
Il en va de même pour les personnages. En plus de se rappeler pourquoi un personnage a retenu notre attention, il faut également relever comment il l’a retenue. Quels procédés l’auteur ou l’autrice a-t-elle utilisés pour rendre ce personnage remarquable.
En outre, pour apprendre à construire nos propres personnages, lieux, intrigues… Il est intéressant de faire l’exercice des fiches de compte-rendu. Cela donne une bonne indication des informations qui doivent figurer sur vos propres fiches lors de la préparation de votre récit.
Pour ma part, j’ai appris à faire des fiches de personnage en primaire pour nos contrôles de compréhension à la lecture. Elles étaient très basiques, mais fonctionnaient très bien. J’en ai également faites en secondaire. Évidemment, elles s’étoffaient avec les années. J’ai parfait mon propre système avec les fiches de personnage des jeux de rôles auxquels j’ai joués.
Quant à la construction de mon intrigue, je me sers du traditionnel schéma narratif pour élaborer mon récit.
Pour trouver nos propres mots, il faut d’abord comprendre les mots des autres.
C’est peut-être là que le bât blesse avec les débutant-e-s d’aujourd’hui. Depuis un certain temps, je vois beaucoup de jeunes écrivains et écrivaines se lancer dans l’écriture en oubliant cette étape-clé de l’apprentissage : l’exercice.
Nombre d’entre eux consomment une quantité importante d’articles de blog, d’essais en tout genre et se lancent directement dans la rédaction d’un roman, voire d’une saga !, qu’ils et elles espèrent voir publié un jour.
Pourtant, l’écriture ne diffère pas des autres arts : on ne crée pas un chef-d’œuvre du premier coup. On commence petit pour évoluer ensuite.
Ce n’est pas parce que l’on a beaucoup lu, appris et analysé que l’on est expert-e ! L’expertise ne s’acquiert qu’avec l’expérience.
S’exercer à l’écriture avant de se lancer dans un projet que l’on souhaite publier permet de :
Adolescente, je m’imposais des exercices d’écriture pour travailler mon style, principalement. Je n’avais aucun problème pour construire des intrigues (ayant une structure prédéfinie — que j’utilise toujours, d’ailleurs — les choses allaient très vite), mes personnages et mes atmosphères, mais je bossais à fond mon style pour maîtriser le vocabulaire et les figures de style.
Voici donc les trois types d’exercices que je m’imposais :
Je choisissais des passages de roman ou d’articles de presse et je les réécrivais en fonction d’un ton spécifique. Je me suis beaucoup inspirée des Exercices de style de Raymond Queneau (qui est un livre que j’ai découvert à l’adolescence).
Le pastiche est un exercice que j’ai découvert en cours de français justement !
Il consiste à imiter le style d’un auteur avec une intention de mémoire, de caricature, d’hommage ou d’exercice.
Le pastiche est une mise en application directe des analyses effectuées pour comprendre les procédés narratifs des auteurs et autrices que l’on apprécie.
C’est un exercice très instructif car il nous force à sortir de notre zone de confort pour penser différemment et étoffer notre “arsenal” narratif.
C’est un peu comme écrire un texte en répondant à des consignes précises à ceci près qu’ici c’est vous fixez les consignes.
Les textes écrits dans le cadre de ces exercices ne sont pas nécessairement des histoires ou des nouvelles. Vous pouvez très bien n’écrire que :
Les jeux et les ateliers d’écriture permettent également d’apprendre beaucoup.
J’ai un classeur entier remplis de tous ces exercices que j’ai faits pendant des années. Et je continue à en faire. D’une part parce que j’aime ça, mais aussi parce que ça me permet de me changer les idées quand je bloque dans mes romans ou que je n’ai justement pas le temps d’écrire de la fiction à ce moment-là.
On ne naît pas écrivain-e, on le devient.
À lire aussi : La nouvelle, la meilleure amie des écrivains
Après l’exercice vient le temps de la correction. En écriture, la correction se fait par la confrontation, et ce, de 3 manières différentes, selon moi.
Une fois un texte écrit, il est bien de le laisser reposer avant de le corriger. Le reprendre tout de suite après l’écriture ne nous permet pas d’avoir le recul nécessaire pour voir ce qui va et ce qui ne va pas.
Cette première forme de confrontation se fait entre nous et nous-même. C’est à nous de porter le regard le plus objectif possible sur le texte en question et de juger si, oui ou non, nous avons rempli nos objectifs. Se faire soi-même juge de nos propres écrits nous permet de mieux nous rendre compte de nos forces et de nos faiblesses. Cela fait partie intégrante de l’apprentissage de l’écriture, selon moi.
Ici, le mentor fait référence à l’auteur ou l’autrice que vous avez choisi comme modèle, notamment pour l’exercice du pastiche. Confronter vos textes aux siens vous permettra de mieux vous rendre compte du travail à effectuer pour atteindre le but que vous vous êtes fixé.
Le lectorat (qu’ils et elles soient vos bêta, des professionnels, des collègues ou des lecteurs/lectrices) pourra vous remonter des défauts comme des qualités auxquelles vous n’auriez pas pensé. Ils vous apporteront un autre regard qui vous fera considérer votre travail sous un autre angle.
Attention toutefois de ne pas chercher à plaire à tout le monde. Toutes les remarques et suggestions que l’on vous fera ne seront pas toutes bonnes à garder tout simplement parce qu’elles ne suivront pas toutes les objectifs que vous vous serez fixés ou les envies que vous souhaitez suivre.
Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
Nicolas Boileau, L’Art poétique
Je sais que pour beaucoup d’entre vous je n’ai présenté que des trivialités. Mais je sais aussi qu’encore trop de jeunes écrivains et écrivaines se lancent dans l’écriture sans avoir la patience et la volonté d’apprendre vraiment.
Je ne dis pas que les conseils donnés dans les livres ou sur internet sont mauvais — sinon, je serais sérieusement dans la mouise… —, loin de là ! Je ne dis pas non plus que c’était mieux avant. Je pense même que c’est une bonne chose qu’il y ait tant de partage de conseils et d’expérience qui rendent l’écriture accessible à tout le monde et qui nous permettent de nous sentir moins seul-e-s dans les épreuves scripturales que nous traversons toutes et tous.
Ce que je regrette, en revanche, c’est de voir que, pour beaucoup, la discipline et l’amour de l’écriture ne sont plus là : beaucoup cherchent d’abord à être publiés avant de chercher à écrire. Trop de personnes sous-estiment la valeur du travail et de l’exercice, et pensent que les choses se font d’un claquement de doigts ou que l’apprentissage peut se faire “en cours de route”.
Aujourd’hui, je m’adresse principalement à toutes ces personnes qui se sont lancées dans leur premier roman sans avoir travaillé l’écriture avant : entre ma deuxième nouvelle écrite à 11 ans et le début de la rédaction de mon premier roman, il s’est écoulé 15 ans. Pendant ces 15 ans, j’ai appris et je me suis exercée pour perfectionner mon art, comme on dit.
Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.
Jean de la Fontaine, Le Lion et le Rat
Voilà ! C’est tout pour aujourd’hui !
J’espère que cet article vous a plu. N’hésitez à me partager votre opinion sur le sujet et/ou pour m’expliquer comment vous avez appris l’art de l’écriture.
Une réponse à “Comment apprenait-on à écrire avant internet ?”
Bonjour Zahardonia
Je suis épatée et impressionnée par la richesse de tes articles, j’en ai lu 3 seulement, ils sont si complets qu’ils demandent d’être étudiés plusieurs fois !
Merci pour ton partage d’expériences. Je cherchais justement ce genre d’articles dans les autres blogs et ne le trouvais pas.
Merci encore !