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Lorsque l’on crée un univers, on cherche souvent à être réaliste et non à être plausible.
Pourtant, lorsque l’on écrit de la fiction, la vraisemblance est plus importante que le réalisme, surtout en Fantasy.
Le réalisme correspond à ce qui relève de la réalité.
Il s’agit d’une description objective de la réalité sans filtre, positif comme négatif. Le réalisme veut nous rendre compte de qu’est la réalité telle qu’elle est.
La vraisemblance, c’est ce qui paraît vrai.
Du point de vue de la littérature, la vraisemblance fait référence à la logique interne du récit, à ce qui paraît vrai pour le lectorat dans l’univers considéré.
Ainsi, si l’on souhaitait rendre un roman réaliste, il y a de nombreux raccourcis sur lesquels nous devrions faire l’impasse, par exemple :
J’aimerais conclure ce point par une citation de Maupassant écrite dans la préface de Pierre et Jean :
Faire vrai consiste donc à donner l’illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession.
À moins d’écrire un roman historique, vous n’avez pas besoin de rendre le réalisme d’une époque. Car, même lorsque l’on écrit de la Fantasy historique, il y a toujours une part de phantasme (la magie) qui fait que l’on ne peut pas être réaliste, seulement vraisemblable.
J’en ai déjà parlé dans mes articles Les anachronismes en Fantasy et Ma vie, mon roman #18 : Parlons patates et baies vitrées, mais j’aimerais encore une fois revenir sur cette fausse idée qu’il faut avoir un univers réaliste pour séduire son lectorat.
Ce qu’il faut vraiment pour séduire son lectorat, c’est un univers vraisemblable.
Lors d’une lecture, s’établit tacitement entre le lectorat et l’auteur ou l’autrice ce que l’on nomme le Pacte de lecture. L’une des clauses de ce contrat est la suspension consentie de l’incrédulité de la part du lectorat.
Cette clause stipule que le lecteur ou la lectrice met de côté son scepticisme pour accepter de considérer tous les propos du roman comme vrais dans le cadre dudit roman.
Autrement dit : dans le cadre d’un roman Fantasy, on accepte l’existence de la magie, d’un autre monde, d’autres lois de la physique, de créatures magiques, etc.
Cette “clause” participe à l’immersion du lectorat dans nos récits imaginaires. Cependant, elle reste fragile, surtout dans les genres de l’Imaginaire. Un rien peut la briser et sortir, partiellement ou complètement, nos lecteurs et lectrices de leur lecture. Ce qui provoque une lecture superficielle (on ne rentre pas l’univers, on n’y accroche pas), voire un abandon de la lecture.
C’est ici qu’intervient la vraisemblance : il n’y a aucun intérêt à lire une histoire à laquelle on ne croit pas.
Or, lorsque l’on souhaite être réaliste dans un univers créé, on risque surtout de perdre nos lecteurs et lectrices car il faudrait ajouter des quantités astronomiques de détails dans tous les sens pour avoir un monde aussi complet et complexe que le nôtre. Notre boulot en tant qu’auteurs et autrices de Fantasy (ou de Science-Fiction) n’est pas de recréer la réalité, mais de donner une illusion du réel.
Je clos ce point-ci sur une citation de Nicolas Boileau issue du Chant III de son Art poétique :
Jamais au spectateur n’offrez rien d’incroyable :
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
Louis Aragon disait que la littérature c’était l’art du mentir-vrai. Le fait qu’un écrivain ou une écrivaine a la capacité à faire passer pour vrai quelque chose qui n’existe pas. De l’autre côté, le lectorat sait que c’est un mensonge, mais y croit tout de même.
Un univers est vraisemblable lorsqu’il est cohérent, pertinent et complet.
Il est important que les éléments que vous créez s’imbriquent correctement les uns aux autres, qu’il y ait des rapports logiques entre chacun d’entre eux.
Ainsi, lorsque vous développez votre univers, vous devez le penser comme un tout équilibré.
Chaque élément doit être justifié. Il faut une raison à l’existence de chaque détail. Il n’y a rien de pire que de voir apparaître un élément de nulle part et de ne pas comprendre à quoi il sert ni d’où il vient.
Aussi, rappelez-vous que chaque élément est relié aux autres par des liens de causalité.
Il n’est pas question ici de recréer un monde aussi complexe que le nôtre (cela contredirait totalement ce que je vous ai dit plus tôt), mais de développer suffisamment chacun des éléments importants pour qu’on sente qu’ils ont de la consistance.
Augmenter le nombre de détails indépendants les uns des autres ne participe pas à donner une impression de complexité ou de profondeur, mais de superficialité et de fouillis.
Pour donner de la profondeur à votre univers préférez ne développer que certains éléments pour les rendre solides au lieu de multiplier les détails à outrance.
C’est une question que l’on me pose souvent : Que doit-on expliquer ou pas dans le roman ?
Pour ma part, avec mes propres travaux, j’applique la règle de l’iceberg : je ne livre à mon lectorat qu’un tiers de ce que j’ai développé.
J’estime que, pour comprendre le fonctionnement de mes histoires et de mes univers, seul un tiers de mes données est nécessaire. Le reste de ce que j’ai créé m’est nécessaire à moi justement pour donner cette impression de vraisemblance et de profondeur. Je m’en sers comme appui pour raconter mes histoires. On pourrait le voir comme des fondations solides, mais invisibles, de l’univers et des personnages. Il s’agit de non-dits qui, pourtant, ont une réelle présence dans les romans justement parce qu’ils existent et que je les garde en tête pendant l’écriture. Je connais les raisons de l’existence de tel ou tel élément et cela me permet de l’incorporer avec naturel et fluidité dans ma narration. Moi, je sais pourquoi il existe et c’est ça qui importe le plus quand il s’agit de la vraisemblance d’un univers.
Voilà ! C’est tout pour aujourd’hui. J’espère que cet article vous a plu et vous sera utile.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas 😉
Prenez soin de vous !
Une réponse à “Créer un univers : réalisme vs vraisemblance”
Tout à fait d’accord avec l’iceberg : avoir une compréhension de notre univers le rend cohérent même si on n’explique pas tout. Je dirais même que ça rajoute une touche de mystère. J’adore comprendre petit à petit les logiques d’un univers en m’y intéressant de plus près, surtout quand les éléments de l’univers interagissent entre eux (et que ce n’est pas agité de façon évidente par l’auteur).