Quel est le genre de la série Harry Potter ?


Suite à l’article de vendredi à propos de l’urban fantasy, je savais que la question du genre de la fameuse série tomberait.

Étant donné que la saga est complexe et que la question pourrait intéresser pas mal de monde, j’ai décidé d’en écrire tout un article. De plus, je compte bien vous expliquer ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas en fonction des définitions sur lesquelles je me base, et ce, en long en large et travers.

La question à laquelle je vais répondre aujourd’hui et qui m’a été posée par Dorian est la suivante : Et du coup, la question qui fâche : Harry Potter, Fantastique ou Urban Fantasy ?

La question qui fâche… et ce n’est pas peu dire !

Harry Potter : du fantastique ?

Rappel de la définition du genre :

Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni vampires, se produit un événement qui ne peut s’expliquer par les lois de ce même monde familier. […] Le fantastique c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel.

Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Éditions du Seuil, Points Essais, 1970, p. 29.

C’est un genre où l’on remet en doute l’existence du surnaturel et, parfois, la santé mentale du protagoniste. Les thèmes du rêve, du cauchemar et de la folie sont constants, pour ne pas dire incontournables. Par exemple : dans La Cafetière de Théophile Gautier, on explore le thème du rêve, dans La Musique d’Eric Zahn de H. P. Lovecraft celui du cauchemar, dans Le Horla de Guy de Maupassant celui de la folie.

Contrairement à ce que l’on pense, la peur et l’horreur ne sont pas des caractéristiques du genre. Ce sont des auteurs américains tels que Howard Philip Lovecraft et Edgar Allan Poe qui ont défini que la peur et l’effroi devaient impérativement faire partie des caractéristiques du genre. — Si le sujet vous intéresse, je vous conseille de lire l’essai de Lovecraft : Épouvante et Surnaturel en littérature.

Revenons à nos moutons : la série Harry Potter est-elle du fantastique ?

Non.

Les trois caractéristiques principales du genre sont : l’action a pour cadre le monde réel, le doute quant à l’existence et la réalité de l’événement surnaturel et des thèmes tels que le rêve, le cauchemar ou la folie.

Alors :

  • L’action a-t-elle pour cadre le monde réel ? Pas vraiment : la plupart des actions magiques se produisent dans le monde magique (le chemin de traverse, Poudlard, le ministère, un coin de forêt enchanté pour n’être vu que par les sorciers,…) et quand les actions magiques se produisent chez les moldus, les sorciers s’arrangent pour oublietter les moldus…
  • À la fin de la série, remet-on en cause l’existence de la magie, de Poudlard, du ministère de la magie, du chemin de traverse, etc. ? Non. Je pense qu’il ne faut même pas développer ce point-là…
  • La santé mentale de Harry est-elle remise en cause de manière à faire douter le lecteur de l’existence de la magie ? Non.
  • Assimile-t-on le monde magique à un rêve ou à un cauchemar de Harry Potter ? Non.

Si les caractéristiques principales ne sont pas respectées, je pense que l’on peut aisément affirmer que Harry Potter n’est pas du fantastique. Pour les caractéristiques secondaires, je vous renvoie au tableau récapitulatif de l’article Différencier les genres de l’Imaginaire.

Harry Potter : de l’urban fantasy ?

Rappel de la définition du genre :

L’urban fantasy est un sous-genre de la fantasy qui se caractérise par le fait que la magie se manifeste dans notre monde du XXe ou XXIe siècle et, en général, dans une grande ville (ou dans plusieurs grandes villes). La féerie et les créatures magiques sont dissimulées aux humains, et ce, même si ces créatures se mêlent aux mortels. Bien souvent les seuls capables de franchir le voile qui sépare la magie du monde réel sont des marginaux, des enfants ou des créatures hybrides.

On s’en rapproche, mais non.

Même s’il est indéniable que Harry Potter est de la fantasy par les thèmes abordés tels que la lutte du Bien contre le Mal, les élus, les prophéties, les valeurs sacrées (le courage, la sagesse, la loyauté, la détermination,…), le schéma narratif qui est celui du voyage du héros (l’un des 3 schémas les plus typiques de la fantasy), mais aussi et surtout : la magie, le sous-genre dans lequel on essaie de le ranger n’est pas l’urban fantasy.

Alors, pourquoi Harry Potter n’est pas de l’urban fantasy alors que la plupart des caractéristiques sont respectées ?

Il est vrai qu’on retrouve la plupart des caractéristiques du genre : la magie est dissimulée aux moldus, l’intrigue prend place au XXIe siècle, ce sont par les enfants qu’on découvre le monde magique. Mais on ne retrouve pas la caractéristique principale qui donne son nom au genre : le côté urbain.

Si la fantasy urbaine s’appelle ainsi, c’est parce que le cadre principale de l’action est la ville (le terme « urbain » vient du mot latin urbs, urbis qui signifie « la ville ») et, pour être précise, la ville telle que nous la connaissons. Les créatures magiques s’organisent en groupe qui ressemblent à s’y méprendre à des organisations secrètes (la Franc-maçonnerie serait-elles, en réalité, une organisation secrète d’alchimistes ?) qui doivent trouver leur place dans le monde mortel. La vie magique est imbriquée dans la vie mortelle : dans la série Chroniques des Vampires d’Anne Rice, Lestat est une rock star ; dans la série de films Underworld, les vampires sont à la tête d’une banque de sang, etc.

Alors que dans Harry Potter, ce n’est pas le cas : tout est mis en œuvre pour séparer sciemment le monde magique du monde mortel. Les sorciers vont jusqu’à battre leur propre monnaie et ne font pas commerce avec les moldus.

Donc non, Harry Pottern’est pas de l’urban fantasy.

Harry Potter : de la low fantasy ?

Rappel de la définition du genre :

La low fantasy est un sous-genre de la fantasy où le monde réel communique avec un autre monde (le monde secondaire), avec une notion de possibilité de non retour et qu’aucun des deux mondes ne connait l’existence de l’autre.

La low fantasy est un genre où on se retrouve avec notre monde tel qu’on le connaît (sans magie) qui est lié à autre monde qui, lui, est magique. Et les deux mondes n’ont pas conscience de l’existence de l’autre ou seulement l’un des deux connaît l’existence de l’autre.

Cela vous parle-t-il plus ?

Il est vrai que, en général, dans la low fantasy il est question de planètes différentes (Narnia, Ewilan, Lladrana) ou de plans différents (À la Croisée des mondes). Pourtant, la caractéristique principale est l’existence de deux mondes, l’un magique et l’autre pas, qui sont reliés d’une manière ou d’une autre et dont l’existence de l’autre est inconnue ou méconnue.

L’univers de Harry Potter répond parfaitement à cette définition. Même si les deux mondes, le moldu et le magique, partagent la même terre physique, ils n’ont rien en commun. Chaque monde a ses propres lois, son propre gouvernement, sa propre monnaie, sa propre culture (les contes que l’on raconte aux enfants ne sont pas les mêmes, l’Histoire n’est pas la même selon qu’on est moldu ou sorcier, il existe également une littérature qui est propre à chaque monde, chacun a sa propre musique…), ses propres traditions, ses propres sports, ses propres problèmes, etc. Les deux mondes sont parfaitement distincts l’un de l’autre, ils ne s’imbriquent pas comme c’est le cas dans l’urban fantasy.

Il y a une réelle différenciation entre les monde des moldus et le monde des sorciers et un farouche désir de la maintenir.

Quant à la possibilité de non retour, il est clair que, comme Harry est un sorcier, il ne retournera jamais à la vie de moldu. Ses vies personnelle et professionnelle ne tournent qu’autour de la magie. D’ailleurs, à la fin de la saga, il n’a plus aucune attache avec le monde moldu puisqu’il ne garde aucun contact avec les Dursley (du moins, on le suppose) et qu’il n’avait aucun ami moldu.

Ensuite, j’aimerais détailler un point sur lequel certain-e-s pourraient chicaner : oui, c’est vrai que les sorciers connaissent l’existence des moldus. Mais cela s’arrête là. Étant donné que les sorciers et les moldus ne se mélangent pas, les sorciers ne savent rien des habitudes des moldus. On le voit bien avec Arthur Weasley qui questionne énormément Harry sur l’usage et le fonctionnement de certains objets moldus (comme les canards en plastique, par exemple) ou encore avec l’étonnement de Ron devant le fait que les photographies moldues ne bougent pas.

Donc, peut-on dire que les sorciers connaissent les moldus ? Franchement, je ne pense pas. Les sorciers savent que les moldus existent mais c’est à peu près tout.

Pour conclure

Il est vrai que la multitude des sous-genres de la fantasy compliquent énormément la classification d’un roman, surtout lorsque le roman peut être ranger dans plusieurs catégories en fonction du cadre, des thèmes, etc. ou qu’il flirte à la lisière de plusieurs sous-genres.

De même, parfois un même genre peut avoir plusieurs définitions (des historiques, des modernisées, certaines en fonction du continent considéré, ou encore certaines sont simplifiées par les éditeurs pour faciliter le classement — c’est comme ça que le fantastique est devenu une sorte de fourre-tout nauséabond… et que, pour certain-e-s la science-fiction est devenue synonyme d’Imaginaire englobant de ce fait la fantasy, le fantastique, la science-fiction et même le polar/thriller, parfois !!!), ce qui facilite encore moins la tâche.

Mais, dans tous les cas, il ne faut pas s’arrêter à ça parce que le plus important c’est de continuer à lire et à écrire pour le plaisir ! 😉

Donc, voilà ! Et moi qui voulais écrire un petit article vite fait, bien fait, je viens de passer deux heures et demie dessus ! 😉

En tout cas, j’espère qu’il vous a plu ! Qu’en avez-vous pensé ? Pour vous, est-ce important de pouvoir classer un roman aussi précisément ?

Souhaitez-vous lire d’autres articles à propos du genre et des sous-genres de la Fantasy ?


Une réponse à “Quel est le genre de la série Harry Potter ?”

  1. Bonjour,

    Merci pour l’article et celui sur l’urban fantasy. J’étais en plein doute quant à la classification de mon travail. J’y suis toujours, mais au moins maintenant je sais pourquoi. Mais comme vous le dites, l’important reste de lire et d’écrire.

    Par contre, je pense qu’un détail mérite correction : Harry Potter se déroule au vingtième siècle et non au vingt et unième.

    À bientôt,

    Felg

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