La ponctuation : bien s’en servir


L’article d’aujourd’hui traite d’un sujet un peu (très ?) rébarbatif : la ponctuation.

J’ai choisi de vous parler de ce sujet parce que, de plus en plus, je croise des textes à la ponctuation hasardeuse quand elle n’est pas inexistante. Or, la ponctuation est aussi importante dans un texte que les mots, la grammaire et l’orthographe puisque ces petits caractères permettent de donner une intonation et un rythme aux phrases, mais également de marquer les degrés de subordination et de définir les liens logiques entre les éléments de la phrase. En d’autres termes, elle est indispensable !

Pour convaincre les dubitatifs et les réfractaires, je vais illustrer mes propos par quelques exemples :

Les phrases « David, ferme la porte ! » et « David ferme la porte. » comportent exactement les mêmes mots dans le bon ordre. Seule la ponctuation diffère et change complètement le sens de chacune des deux phrases.

Dans la première, on comprend d’une part qu’on s’adresse à quelqu’un (David, en l’occurrence) et qu’on lui donne un ordre (ferme est, ici, un impératif présent à 2e personne du singulier, le point d’exclamation marque une émotion forte ou, dans le cas présent, un ordre).

La seconde phrase est, quant à elle, une simple phrase déclarative, un constat. Ici, ferme est un indicatif présent à la 3e personne du singulier dont David est le sujet.

Vous avez vu comme la ponctuation pouvait influencer notre compréhension des textes que nous lisons ?

J’aimerais vous donner un autre exemple, la preuve qu’une simple virgule, selon l’endroit où elle est placée, peut sauver des vies !

Courant du XIXe siècle, le tsar de Russie avait condamné un officier à la déportation. Il avait écrit : « Pardon impossible, envoyer en Sibérie ». Mais la tsarine, trouvant la décision de son mari injuste, a sauvé l’officier en déplaçant la virgule au moment d’envoyer le télégramme : « Pardon, impossible envoyer en Sibérie ».

Il s’agit là d’une petite anecdote qui m’avait été racontée par mon frère, historien.

Je vous ai convaincu-e ? 😁
On peut entamer les choses sérieuses alors ! Accrochez-vous à vos chaussettes !

Dans cet article, je ne vous parlerai que de la ponctuation (aussi appelée signes syntaxiques) courante et non des signes orthographiques (l’apostrophe, le trait d’union et la majuscule), ni des symboles typographiques (l’astérisque, l’arobase, l’esperluette [&], le croisillon [#],…). J’ai, par contre, très envie de vous parler de certains sigles de ponctuation un peu sortis de derrière les fagots, parce que je les adore et que je trouve ça très drôle de savoir qu’ils existent ! S’ils vous intéressent, rendez-vous à la fin de l’article ! 😉

La virgule ,

Il y a un espace après la virgule, pas avant.

On commence par le plus gros morceau… La virgule est, pour moi, le signe de ponctuation le plus difficile à maîtriser tant par la multitude de ses fonctions que par les possibilités de ses utilisations.

Premièrement, la virgule indique une légère pause dans la lecture de la phrase : Elle arriva au bord de l’eau, admira le paysage et s’allongea.

Ensuite, et c’est là que ça se corse (comme le disait Napoléon), la virgule sépare des éléments semblables (même fonction, même registre) dans la phrase.

Le cas sujet-verbe

  • Normalement (ça commence mal…), le verbe ne peut pas être séparé de son sujet par une virgule. SAUF !, s’il s’agit d’une énumération des sujets :
    La presse, la radio, la télévision, couvraient l’événement.
    MAIS !, si le dernier sujet est joint aux précédents par et on ne peut pas mettre de virgule : La presse, la radio et la télévision couvraient l’événement.
  • La virgule sépare les verbes ayant un même sujet :
    Il la souleva une première fois, la déposa, la re-souleva, la re-déposa.

Le cas des compléments du verbe ou du nom

La virgule sépare les éléments de même fonction, sauf s’ils sont déjà unis par l’une des conjonctions de coordination et, ou, ni. Elle sépare donc :

  • les épithète et les attributs d’un même nom : Leurs vacances étaient luxueuses, calmes et voluptueuses.
  • Les compléments d’un même verbe, d’un même nom et d’un même adjectif (y compris quand ces compléments sont des subordonnées) : Le dragon s’était lancé dans cette quête plein d’espoir, d’énergie et de dévouement. OU Juliette reconnait en Roméo l’homme qui l’a aimée, qui l’a chérie, qui la défendue.

Je profite de cet intermède (oui, je sais, j’ai pas besoin de « profiter » d’un intermède puisque j’en mets quand je veux dans mes articles, mais c’est classe à dire :D)
Je profite, donc, de cet intermède pour préciser une règle qui me semble perdue au fin fond des abysses des mémoires, à savoir : On n’utilise PAS de virgule avec les conjonctions de coordination et, ni et ou.

Je vois encore trop souvent des phrases du type : Il a acheté des pommes, des bananes, et des poires. Sachez que c’est une faute au même titre qu’écrire chateau, sa va ?, çurf ou encore si j’aurais su.

Les seuls cas qui permettent des virgules devant ces conjonctions sont :

  • une répétition : Il a acheté ou des pommes, ou des bananes, ou des poires. —///— Il n’a acheté ni pommes, ni bananes, ni poires.
  • avant et ce (et après si vous avez envie) : Nous avons dormi dans la forêt, et ce, malgré la pluie.
  • on peut mettre une virgule devant et si c’est pour insister : Il a acheté des pommes, des bananes, et des poires !

J’ai fini mon coup de gueule, on peut retourner chevaucher des licornes !

Ou continuer à lire l’article 😜

Le cas de la mise en évidence

A l’intérieur d’une proposition, la virgule isole des mots ou groupes de mots purement explicatifs et un peu hors contexte : James Bond, espion de Sa Majesté, est toujours en mission chez Monica Bellucci.

Elle peut aussi isoler des mots mis en apostrophe : Reconnaissez, cher ami, que le coup était bien joué.

Elle détache également les compléments et propositions circonstanciels placés en tête de phrase : A cet instant, elle comprit que quelque chose n’allait pas. (je sais, je cite des phrases de mon roman… 😜 )

En revanche, on ne met pas de virgule après le complément d’objet (direct ou indirect) mis en tête de phrase : Bonnes relations avec les Wookies j’entretiens.

La virgule détache les propositions introduites par les conjonctions de coordination autres que et, ni et ou et les propositions simplement explicatives : Nous sommes sortis cette après-midi, car il faisait beau. OUJ’ai écrit un article sur la ponctuation, parce que j’en ai envie.

Elle met en évidence les proposition relative informative : Morgane, qui est la demi-sœur d’Arthur, est une enchanteresse de talent.
En revanche, les propositions relatives liées par le sens au nom auquel elles se rapportent ne doit pas être mise entre virgules car elle est indispensable au sens de la phrase : Je me rappelle du titre du livre dont je t’ai parlé hier.

Le cas des utilisations pratiques

Oui… parce que la virgule est le seul sigle de ponctuation qu’on peut utiliser comme on veut (ou presque) si ça permet de rendre le texte plus clair… ou qu’on utilise par habitude dans certains cas.

  • la virgule peut remplacer un un verbe ou un mot en cas d’ellipse : Les murs étaient lézardés et verdis de mousse, les volets, démantelés et criblés de salissures.
  • la virgule permet de mettre en valeur des mots ou expressions utilisés dans le but d’insister soit sur une idée qui répète de manière identique ce qui a été énoncé (La magicien préconisait, lui, de ne pas lancer de boules de feu si près d’un dragon.), soit sur une apposition (Aragorn, rôdeur de son état, a séduit la belle Arwen.).
  • Dans la correspondance (pour ceux qui écrivent encore des lettres), la virgule permet de séparer le lieu de la date : Poudlard, le 20 mai 2016
  • Dans les nombres écrits en chiffres, la virgule sert à séparer la partie décimale de la partie entière : 3,14

Je vous rassure, vous avez passé le plus gros ! 😉

Le point .

Il y a un espace après le point, pas avant.

Le point marque la fin d’une phrase, il correspond également à une réelle pause dans la lecture d’un texte. Il sert aussi à marquer le développement des idées : Hier, j’ai fait du ragout. Aujourd’hui, nous sommes tous malades.

Il doit se placer après une abréviation, une référence abrégée ou un sigle : M. (Monsieur) ; S.A. (Sa Majesté) ; R.C.N.U. (Républiques des Cités Naines Unies) ; apr. J.-C. (après Jules-César Jésus-Christ).
Toutefois, on ne met pas de point lorsque les lettres sont supprimées à l’intérieur du mot ni lorsqu’il s’agit de symboles d’unités : Dr (docteur) ; (numéro) ; bd (boulevard) ; 42m (mètres) ; 60s (secondes) ; 15kg (kilogrammes).

Une ligne de points peut servir à guider le regard entre deux éléments, on appelle ça des points de conduite, comme on peut en trouver dans les tables des matières ou les menus : Cape d’invisibilité…………………………….. 1000PO*
*Pièces d’or

Le point-virgule ;

Il y a des espaces avant et après le point-virgule.

Le point-virgule se place à l’intérieur d’une phrase. Sa valeur de pause, moyenne, se situe entre celle de la virgule et celle de du point. C’est un signe de ponctuation qui se perd car il embarrasse et c’est bien dommage ! Il permet de :

  • séparer, à l’intérieur d’une phrase, des propositions de même nature, de longueur notable et qui sont, malgré tout, liées par le sens : Un bon vampire se comporte comme un gentleman ; un mauvais vampire n’est qu’un animal assoiffé de sang et de scandale.
  • séparer les parties d’une phrase ou les propositions dont les éléments sont déjà séparés par des virgules : Un bon vampire est poli, courtois et propre ; un mauvais vampire est rustre, malpoli et dégoulinant de crasse.
  • séparer les parties d’une énumération ou une suite de références : Sam et Frodon viennent d’entrer dans le Mordor ; pendant ce temps, Lucy rencontre le Père Noël à Narnia ; et Harry sirote de la Bièraubeurre à l’auberge des Trois Balais.

Le point d’exclamation !

Il y a des espaces avant et après le point d’exclamation.

Le point d’exclamation s’emploie pour marquer une émotion forte, une exclamation, qui peut être de joie, de colère, d’admiration, d’ironie, etc. Il peut suivre une interjection (Ah ! ; Oh ! ; Eh bien ! ; Zut !), un groupe de mot (Quel film ! ; Que de ponctuation !) ou toute une phrase (Que cet article est compliqué ! ; Ferme la porte ! ; Abaissez le pont-levis !)

Le point d’interrogation ?

Il y a des espaces avant et après le point d’interrogation.

Le point d’interrogation se place à la fin d’une question (une phrase interrogative directe) : Comment vas-tu ?

A la fin d’une phrase interrogative indirecte, il faut mettre un point et non un point d’interrogation : Je te demande comment tu vas.

Les points de suspension …

Il y a un espace après les points de suspension, pas avant.

Ils s’emploient :

  • pour marquer l’inachèvement dans l’expression d’une idée, d’une énumération : On apercevait de tout : des poules, des vaches, des cochons…
  • pour marquer une pause, une attente, une surprise dans le texte : En réalité, cet homme tout vêtu de noir et au souffle rauque était… son père.

etc. suivit de points de suspension est une faute car c’est un pléonasme puisque cette expression signifie « et tout le reste », soit la même chose que les points de suspension.

Les deux-points :

Il y a des espaces avant et après les deux-points.

Ils annoncent :

  • une citation ou des paroles : Là, il cria : « Vous ne passerez pas ! »
  • une énumération : J’aimais tout de ce roman : les personnages, l’intrigue, l’univers, le style, l’humour…
  • une justification, une explication, une synthèse de ce qui précède : Francis retourna chez Jacqueline : il y avait oublié sa baguette magique.

Les parenthèses ( )

Il y a des espaces aux extérieurs des parenthèses mais pas aux intérieurs.

Les parenthèses servent à :

  • isoler dans une phrase une indication, une réflexion, une remarque dispensable : Nous partîmes en bateau (nous l’avions loué le matin même) pour aller sur l’île.
    Attention : Le signe de ponctuation se met après avoir fermé la parenthèse, à moins que l’indication ne constitue une phrase entière et indépendante. Auquel cas, le signe de ponctuation se met à l’intérieur des parenthèses.
  • signaler une référence, une date : Ainsi, les vainqueurs de ce concours sont Jean (53 ans) et Micheline (49 ans) !

Les crochets [ ]

Il y a des espaces aux extérieurs des crochets mais pas aux intérieurs.

Il s’emploient dans le même esprit que les parenthèses mais, plus précisément, pour isoler une indication, une précision dans la parenthèse : Voici un extrait de l’oeuvre citée (Le Guide du voyageur galactique [1978]).

On les utilise également pour préciser un terme dans une citation : Pour lui seul [le poète], tout est vacant.

Elle servent aussi à signaler une coupure dans un texte cité : De tout temps, la Magie était l’apanage des Esprit […] Ainsi fut donnée la magie aux hommes.

Les guillemets « »

Il y a des espaces à l’intérieur et à l’extérieur des guillemets.

Les guillemets s’utilisent pour rapporter des paroles prononcées : Il déclara sur un ton peu convaincu : « Mouais… Boarf ! »

Quand le texte rapporté ou cité est interrompu par celui ou celle qui écrit, on ferme les guillemets après l’interruption et on les rouvre ensuite, à moins que la coupure ne soit brève. Les incises dit-il, reprit-elle, répondis-je, etc., sont ainsi intercalées entre deux virgules dans la phrase entre guillemets.

Si le passage entre guillemets demande pour lui-même un signe de ponctuation, celui-ci se place avant les guillemets fermant : Il m’a demandé : « Qu’écris-tu ? »
Sinon, le signe de ponctuation se place après les guillemets fermant : As-tu aimé écrire ton « western spaghetti » ?

Ils servent également à encadrer un mot, une expression familière ou étrangère ou un titre qu’on veut mettre en valeur : Il venait d’enfiler ses « culs-de-bouteilles » pour lire le « New York Times » en anglais, « of course » !

Le tiret – ou — ou ―

Il y a des espaces avant et après les tirets.

Dans un dialogue, le tiret marque l’intervention d’un nouvel interlocuteur :
« Et c’est une bonne situation, ça, scribe ?
— Vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bonne ou de mauvaise situation. Moi, si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres. Des gens qui m’ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée… Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l’interlocuteur en face je dirais, le miroir qui vous aide à avancer. Alors ça n’est pas mon cas, comme je disais là, puisque moi au contraire, j’ai pu : et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie… je ne suis qu’amour ! Et finalement, quand beaucoup de gens aujourd’hui me disent « Mais comment fais-tu pour avoir cette humanité ? », et bien je leur réponds très simplement, je leur dis que c’est ce goût de l’amour ce goût donc qui m’a poussé aujourd’hui à entreprendre une construction mécanique, mais demain qui sait ? Peut-être simplement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de soi. »

Les tirets peuvent également remplacer les parenthèses pour :

  • mettre un mot, une expression ou une proposition en évidence : Pour passer la – longue – soirée sans ennuis une seule recette : les livres !
  • apporter une information complémentaire : La canicule frappe toute l’Europe – sauf la Bretagne et la Belgique où il pleut à verse.
  • ajouter un commentaire, souvent ironique, qu’on détache du contexte : Ses explications deviennent de plus en plus cohérentes et même – ô surprise ! – subtiles.

Le second tiret n’est pas indispensable devant un point ou un point-virgule.

Les autres signes de ponctuation

Et oui ! Il existe d’autres symboles de ponctuation inventés par des auteurs ou des journalistes et qui ne sont, malheureusement, pas (encore ?) reconnu par l’Académie française. Je vous présente mes préférés :

  • Le point d’ironie : il a été proposé par le poète français Alcanter de Brahm (alias Marcel Bernhardt) à la fin du XIXe siècle. Il fut par la suite repris par Hervé Bazin dans son livre Plumons l’oiseau (1966). Il a été remis à l’honneur par Agnès b. en 1997 dans son périodique d’art Point d’ironie.
    Exemple : Son discours n’était pas ennuyeux du tout
  • Le point exclarrogatif ‽ : C’est l’Américain Martin K. Speckter qui l’inventa en 1962. Ce signe de ponctuation sert à ponctuer une phrase qui est interrogative et exclamative à la fois. Il sert à remplacer l’usage des deux signes de ponctuation successifs ?! ou !?.
    Exemple : Comment veux-tu que je le sache ‽
  • La virgule d’exclamation : elle a été créée par P. Villette en 1856. Elle sert principalement dans la poésie et est utilisée à la fois comme une virgule et comme un point d’exclamation.
    Exemple : Les tortues, ah les tortues Les tortues ne sont pas gaies (…) (Robert Vigneau, Bestiaire à Marie)
  • Les points d’intonation d’Hervé Bazin : dans son livre Plumons l’oiseau (1966), reprend le point d’ironie et propose d’autres nouveaux signes de ponctuation : les points de doute (), de certitude (), d’acclamation (), d’autorité () et d’amour ().
  • La ponctuation shadock : Jacques Rouxel introduit de nouveaux signes de ponctuation lors d’un cours de grammaire Shadock : « Il est interdit de déposer des points d’interrogation (?), d’affirmation (!), d’appréciation (), d’exécution () ou de n’importe quoi devant toute proposition constituée par une passoire après dix heures du matin ».

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2 réponses à “La ponctuation : bien s’en servir”

  1. Merci pour cet article – les 2 derniers paragraphes sur « le cas de la mise en évidence » dans l’usage de la virgule présentent des fautes d’accord.

  2. Mes 2 commentaires n’ont pas but d’être édités – plutôt attirer votre attention pour correction. Merci de ne pas les faire paraître : ce serait bien inutile 😉

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