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Je suis heureuse de vous emmener une fois de plus dans mon pays de cœur pour ce 4ᵉ article. L’Écosse, terre de mystères et de légendes, est le berceau de créatures mythologiques aussi fascinantes que redoutables. Aujourd’hui, nous allons découvrir le Nuckelavee, un monstre des Orcades qui défie l’imagination. Mi-cheval, mi-démon, il incarne la destruction et la terreur, un symbole de peur pour les habitant·e·s de l’archipel.
L’archipel écossais des Orcades, niché dans la mer du Nord, recèle un secret terrifiant que presque tou·te·s ses habitant·e·s connaissent bien : le Nuckelavee.
Créature légendaire du folklore orcadien, le Nuckelavee est décrit comme « l’une des créatures les plus répugnantes que l’imagination écossaise ait jamais conçues » par la folkloriste britannique Katharine Mary Briggs. Son nom signifierait « Diable de la mer », avec le terme « Nuck » possiblement dérivé de « Nick », comme dans l’expression anglaise « Old Nick » utilisée pour désigner le Diable. Ce surnom humoristique, aux origines incertaines, est apparu pour la première fois au XVIIᵉ siècle. Il pourrait cependant être relié à des termes allemands et scandinaves débutant par nik- et désignant des créatures surnaturelles dangereuses.
Les descriptions du Nuckelavee varient lorsqu’il est aperçu sur terre, mais son apparence dans son habitat naturel, la mer, demeure un mystère. Cela n’en fait que renforcer la terreur qu’il inspire. Nul·le ne sait exactement à quoi il ressemble lorsqu’il évolue dans les profondeurs marines. Cependant, les récits glaçants des rares témoins qui l’ont croisé sur terre offrent un aperçu de l’horreur qu’il représente. Le folkloriste Walter Traill Dennison, originaire des Orcades, est le premier à avoir décrit en détail cette créature. Sa description repose en grande partie sur le témoignage d’un fermier nommé Tammie, qui aurait lui-même croisé le monstre.
Installez-vous confortablement, laissez votre imagination s’égarer, et préparez-vous à frissonner en découvrant la terrifiante description qui suit…
Le Nuckelavee est une créature hybride, mi-homme, mi-cheval. Son torse et sa tête sont humanoïdes, mais tout ce qui se trouve en dessous relève de l’équidé. Imaginez un centaure issu des profondeurs infernales, mesurant environ 1,80 mètre de hauteur de face, il devient encore plus intimidant lorsqu’il s’élève jusqu’à 2,70 mètres en redressant sa tête humaine au-dessus de celle du cheval. Inutile d’imaginer un face-à-face physique, avec une masse titanesque avoisinant les 900 kilos, il vous réduirait probablement en bouillie. Le Nuckelavee possède une tête disproportionnée, surmontée d’une bouche béante, souvent comparée à celle d’un cochon.
Bien que, pour être honnête, après avoir scruté diverses représentations de la créature, je peine à y voir une véritable ressemblance avec un suidé.
Sa tête humaine, tout sauf ordinaire, apparaît comme un amas de muscles à vif, voire comme un crâne décharné. L’une des caractéristiques les plus troublantes de cette créature réside dans son absence totale de peau. Son corps, exposé à l’état brut, laisse entrevoir chaque muscle frémissant, tandis que son sang noir circule dans des veines jaunes bien visibles. Ses bras, anormalement longs pour sa stature déjà imposante, pendent jusqu’à frôler le sol, accentuant son aspect cauchemardesque. Le Nuckelavee perçoit son environnement à travers un unique œil rougeoyant, ardent comme la braise et logé au centre du front de sa tête de cheval. Les récits rapportent également que, lorsqu’il s’aventure dans les profondeurs marines, des nageoires émergent le long de ses jambes, amplifiant encore sa monstruosité.
Considéré comme l’incarnation du mal absolu, le Nuckelavee est une figure saisissante du folklore des Orcades. Son apparence cauchemardesque – un cheval monstrueux surmonté d’un cavalier fusionné à son dos, avec un œil unique brûlant de haine – n’est qu’un aspect de l’horreur qu’il inspire. Ce monstre maléfique possède des pouvoirs effrayants, alliant une force surhumaine à un souffle pestilentiel capable d’empoisonner tout ce qui l’entoure. On lui attribuait alors fréquemment la responsabilité des champs flétris et des maladies dévastatrices qui frappaient les îles.
Malgré sa puissance, le Nuckelavee n’est pas invincible. Son talon d’Achille réside dans son aversion pour l’eau douce, qu’il évite à tout prix. Ainsi, les habitants des Orcades pouvaient parfois lui échapper en traversant des ruisseaux, illustrant une manière ingénieuse d’utiliser la nature pour contrer cette menace surnaturelle.
Étant originaire des contrées nordiques, le Nuckelavee pourrait tirer ses racines des mythes scandinaves. Certains pensent qu’il s’agit d’un mélange entre des créatures déjà présentes dans le folklore écossais et des esprits importés par les envahisseurs nordiques lors de leurs raids, commencés au début du IXe siècle. Des récits évoquant une forme de Nuckelavee apparaissent dès le XVIe siècle. Dans les îles Shetland, une créature semblable est mentionnée sous le nom de Mukkelevi.
Les origines du Nuckelavee semblent liées aux chevaux aquatiques, des créatures courantes en Écosse. Parmi elles, le Kelpie est le plus célèbre : un esprit aquatique métamorphe qui habite dans les étangs et les lacs. Bien qu’il puisse prendre une forme humaine, il apparaît généralement sous son apparence naturelle, celle d’un cheval. D’autres créatures similaires, comme le Ceffyl Dŵr, homologue gallois du Kelpie, partagent un folklore proche.
Dans l’imaginaire symbolique, le Nuckelavee incarne plus qu’une créature mythique et terrifiante. Il personnifie la mer dans toute sa nature imprévisible et sauvage, un reflet des peurs profondément ancrées dans le peuple orcadien. Ainsi, ce cheval infernal devient une métaphore du danger que représente la mer pour les habitants des Orcades. Il rappelle également la fragilité humaine face aux éléments et la lutte permanente pour maîtriser des forces incontrôlables.
Dans les légendes des Orcades, une ancienne tradition raconte un affrontement saisonnier entre les forces de l’été et de l’hiver. Ce duel est personnifié par deux esprits invisibles aux yeux humains, dont l’influence se manifeste dans les changements de saisons. L’été est représenté par un esprit bienveillant, Sea Mither, la « Mère de la mer », qui apporte renaissance, fertilité et récoltes. Le terme orcadien Mither, signifiant « mère », souligne son rôle créateur et protecteur de la vie marine. Face à elle se dresse Teran, esprit de l’hiver, semeur de tempêtes, de vents glacés et de désolation, tant sur terre qu’en mer.
Sous l’influence de la Sea Mither, la vie refait surface après l’hiver : les vagues se calment, la terre retrouve sa fertilité, et la lumière revient. Teran, en revanche, incarne la violence du froid hivernal, déchaînant des bourrasques qui s’abattent sur les côtes et emplissent l’air de leur lugubre sifflement. C’est également pendant cette période que la Sea Mither, en plus de dompter Teran, garde sous contrôle des créatures maléfiques comme notre fameux Nuckelavee. Elle les confine alors dans les profondeurs jusqu’à son propre affaiblissement à l’automne.
Lors de l’équinoxe de printemps, aux alentours de la mi-mars, une bataille féroce éclate entre la Sea Mither et Teran, qui revient pour le défier. Dans cette lutte printanière appelée Vore Tully, les mers deviennent un tourbillon bouillonnant sous l’effet de leur combat acharné, jusqu’à ce que la Sea Mither parvienne finalement à emprisonner Teran dans les profondeurs de l’océan. Bien qu’il tente parfois de se libérer, provoquant quelques tempêtes de printemps et d’été, l’influence de la Sea Mither suffit à ramener le calme. Cependant, le maintien de cet équilibre use peu à peu ses forces au fil des mois.
À l’équinoxe d’automne, alors que la Sea Mither s’affaiblit, Teran retrouve sa force et se libère de sa prison. Un nouveau conflit s’ouvre, connu des habitants des îles sous le nom de Gore Vellye. Cette fois-ci, la mère de la mer, épuisée par son effort pour maintenir l’été et le calme marin, cède et est vaincue. Teran reprend alors le contrôle du climat et de la mer, plongeant le monde dans la saison froide. Mais cette défaite est temporaire, car au printemps suivant, la Sea Mither reviendra pour renouveler son combat et ramener l’été sur les îles.
Ce cycle de luttes entre ces deux esprits permet aux insulaires d’interpréter les changements de saison et de climat. En personnifiant ces forces naturelles invisibles, ils trouvent un moyen d’appréhender et d’accepter les transitions annuelles. De nombreuses cultures à travers le monde ont recours à cette stratégie de personnification pour donner un sens aux phénomènes naturels essentiels.
Lorsqu’on évoque l’influence funeste du Nuckelavee, on ne peut ignorer le sinistre Morthasheen. Cette maladie mystérieuse, réputée être transmise par l’esprit vengeur, était considérée comme un fléau capable de décimer le bétail et d’anéantir les récoltes. La légende raconte que l’haleine putride et le souffle empoisonné du Nuckelavee n’étaient pas seulement les signes avant-coureurs d’une mort imminente, mais aussi de véritables vecteurs de destruction qui laissaient les terres dévastées.
Dans la culture orcadienne, le Nuckelavee incarne la décomposition et la mort. Les mauvaises récoltes et les décès du bétail étaient souvent attribués à sa malice, en particulier lorsqu’il s’agissait du morthasheen. Cette mystérieuse maladie, qui frappait brutalement chevaux et bétail, était perçue comme une vengeance directe du Nuckelavee envers les habitant·e·s des Orcades, qui, selon la légende, le mettaient en colère en brûlant des algues.
Dès le début du XVIIIe siècle, les Orcadien·ne·s utilisaient cette technique pour créer du carbonate de sodium, couramment appelé « varech » à l’époque. Très prisé pour la fabrication du savon, ou encore utilisé comme engrais, le varech jouait un rôle crucial dans l’économie locale. Cependant, cette production dégageait une odeur âcre qui, dit-on, déplaisait fortement au démon mi-homme mi-équidé. Furieux, il répandait alors le morthasheen parmi les troupeaux pour punir celles et ceux qui osaient empiéter sur son territoire.
Une étude scientifique menée en 2006 a révélé une explication rationnelle à cette mystérieuse épidémie. La combustion des algues libérait de l’arsenic dans l’air, empoisonnant l’environnement autour des fosses de combustion. Ce n’était donc pas une malédiction du Nuckelavee, mais bien l’exposition à cet arsenic qui causait la maladie.
Ainsi, le morthasheen, autrefois craint comme une vengeance surnaturelle, pourrait bien n’avoir été que le fruit d’un phénomène environnemental. Ce mélange de croyances et de réalités, où les forces de la nature s’expriment à travers des récits mythiques, témoigne de la manière dont les Orcadien·ne·s ont cherché à interpréter et à apprivoiser un monde souvent hostile et mystérieux.
Le Nuckelavee est malheureusement sous-utilisé dans la littérature. Une figure aussi imposante et terrifiante se prête pourtant parfaitement au rôle de monstre à vaincre pour les protagonistes. Cependant, comme à mon habitude, j’ai cherché à imaginer d’autres scénarios dans lesquels le Nuckelavee ne serait pas simplement un énième « Big Boss » sans âme ni histoire à décimer.
Dans un monde où la magie se nourrit de l’absorption d’essences naturelles ou d’êtres vivants, un groupe de mages a tenté de combiner des pouvoirs afin de créer un être à la fois puissant et intelligent, censé servir de protecteur ou d’allié. Mais, dans une tentative malheureuse, ils ont accidentellement fusionné un esprit aquatique (peut-être un Kelpie ou un autre équivalent) avec une créature féroce. Sans le savoir, ils ont donné naissance à une monstruosité incontrôlable, malfaisante et chaotique : le Nuckelavee. Cette aberration magique pourrait s’échapper ou être libérée de la prison magique des mages, cherchant à se venger de ceux qui l’ont créée.
Dans cette version, le Nuckelavee ne se limite pas au monde physique, mais traverse également les dimensions temporelles. Il est capable de se manifester à différentes périodes de l’histoire d’un royaume, agissant comme une malédiction cyclique qui réapparaît à chaque époque sous une forme différente. Les héros pourraient découvrir que la créature est liée à un événement historique crucial, et chacune de ses apparitions offrirait des indices permettant de résoudre une énigme ou une anomalie temporelle.
Détaché de son lien mythologique avec les Orcades, le Nuckelavee pourrait devenir l’agent d’un empire maléfique. Un champion des ténèbres prêt à asservir les royaumes humains et autres peuples magiques. Cette approche lui offrirait une dimension plus militariste, le présentant comme le bras armé d’un seigneur diabolique. Toutefois, au fil du temps, il pourrait développer sa propre volonté, remettant en question l’autorité de ceux qui l’ont créé et cherchant à se libérer de son rôle imposé.
J’espère que cet avant-dernier article de notre série vous a plu et vous aura fait frissonner, à l’image du souffle redoutable du Nuckelavee sur les rivages des Orcades !